Exhibitions – 2

La liste des expositions consacrées au réemploi est encore longue. Si la Biennale de Lugano était en 2020 entièrement dédiée au réemploi, la Biennale de Venise n’est pas non plus en reste. Le pavillon allemand y présentait en 2012 l’exposition Reduce, Reuse, Recycle (voir un article à ce sujet sur le site Archdaily). En 2018, le pavillon danois exposait quant à lui le travail de Vandkunsten Architects qui ajoutent un quatrième R aux trois précédents, celui de Rebeauty. Le projet se basant sur des recherches antérieures interroge le réemploi de six matériaux à travers la recherche et la construction grandeur nature de prototypes (1:1 mock-up) pensés pour être démontés.

2018 est aussi l’année où Flores & Prats Arquitectes présentent le projet de la Sala Beckett, Assemble une installation de carreaux de céramique destinés au réemploi (The Factory Floor) et où Encore Heureux et le Collectif Etc font expérience de réemploi en récupérant les matériaux d’une ancienne installation (voir vidéo ci-dessus). Deux ans plus tôt, Alejandro Aravena utilisait dans une démarche similaire plus de 90t de déchets issus de la Biennale d’Art 2015 afin de créer deux installations accueillant les visiteurs de la Biennale d’Architecture 2016 (voir un article à ce sujet sur le site Dezeen). En 2016 également, figurent au sein des projets présentés par le pavillon espagnol lauréat du lion d’or de la meilleure participation nationale, plusieurs exemples de réemploi. C’est le cas de la Casa Collage (Bosch.Capdeferro arquitectures) à Gérone, projet résidentiel où pierres, carrelage et ferronneries ont été réemployés in situ. C’est aussi le cas de la Nave 8b. du Matadero de Madrid (Arturo Franco) où de nombreuses tuiles réemployées font office de cloisons, trouvant par là même un nouvel usage.

Signe que les éditions se succèdent mais que le sujet ne perd pas de son importance, le pavillon japonais de l’édition 2021 de la Biennale y est dédié cette année au réemploi, sous le titre de Co-ownership of Action : Trajectories of Elements. Le projet présente les éléments issus de la déconstruction d’une maison traditionnelle en bois, certains de ces éléments étant réemployés dans une nouvelle configuration (voir un article à ce sujet sur le site Designboom). Ce travail sur le réassemblage d’éléments en bois fait par ailleurs écho à la réflexion sur les constructions à ossature bois du pavillon des Etats-Unis ou aux maisons Puutalo préfabriquées en bois du pavillon finlandais.


La Biennale d’Architecture de Venise se tient du 22/05/2021 au 21/11/2021.

Le travail de Vandkunsten Architects autour des prototypes et du réemploi a mené à la publication d’un rapport, disponible ici en téléchargement.

Exhibitions – 1

Qu’il s’agisse d’expositions thématiques directement liées au sujet, ou d’expositions interrogeant les nouvelles manières de construire dans un contexte de crise sociale, environnementale et économique, le réemploi a été souvent mis à l’honneur ces dernières années.

L’une des plus connues en France a sans doute été dès 2014 l’exposition Matière Grise, commanditée par le Pavillon de l’Arsenal et dont les commissaires étaient les architectes d’Encore Heureux. L’exposition qui invitait à utiliser « plus de matière grise » et « moins de matières premières », présentait 75 projets de réemploi à travers le monde et soulignait le potentiel d’une telle pratique. Elle deviendra par la suite itinérante et sera présentée en de nombreux endroits en France et à l’international. Ce sera le cas notamment à Barcelone ainsi qu’au Colegio Oficial de Arquitectos de Madrid (COAM) en 2017 ou à Anglet en 2019.

À Bruxelles, c’est l’exposition Life under a cherry tree des Belges de Rotor qui présentait en 2019 à La Loge une série de matériaux issus de déconstructions ainsi qu’une réflexion sur leur réemploi. Cette exposition faisait suite à d’autres sur le même sujet en 2015 à Liège (Deconstruction), en 2016 à Bordeaux (Deconstruction) au sein de l’exposition constellation.s imaginée par arc en rêve centre d’architecture, en 2017 à Hasselt autour du réemploi de carreaux de céramique (Ceramic tiles), ainsi qu’à une réflexion en 2013 sur l’architecture durable à la Oslo Architecture Triennale (Behind the Green Door) ou à une autre en 2010 sur l’usure des matériaux (Usus/usures) protagoniste du pavillon belge à la Biennale de Venise.

Les Danois du Lendager Group présentaient quant à eux en 2017 au Danish Architecture Centre l’exposition Wasteland (voir un article à ce sujet sur le site Archdaily).

Le travail des Anglais d’Assemble faisait l’objet d’une exposition en 2017 au Architekturzentrum Wien (Az W) sous le titre How We Build. Celui des Suisses du Baubüro in situ était pour sa part présenté en 2018 au Musée Suisse d’Architecture à Bâle (S AM) au sein de l’exposition Transform et a fait très récemment partie d’une exposition à Graz à la Haus Der Architektur (HDA), Material Loops, qui regroupe des travaux théoriques et pratiques autour des matériaux de réemploi. Y sont par ailleurs exposés des projets allemands, autrichiens ou néerlandais, dont ceux de Superuse Studios.


L’exposition Matière Grise s’accompagnait d’un ouvrage, réédité il y a peu, toujours par le Pavillon de l’Arsenal et disponible ici

Permis de faire

En architecture, l’utilisation de matériaux de réemploi relève bien souvent d’une forme d’expérimentation, tant du point de vue technique que créatif. L’aspect légal de ces expérimentations peut dans certains cas devenir un frein au réemploi. Sur ce point, et depuis quelques années, les choses semblent bouger en France. 

Le « Permis de faire », cher à l’architecte-constructeur Patrick Bouchain, a été traduit une première fois à titre expérimental dans des textes légaux, à l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 (Loi LCAP, relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine). L’article, portant sur les logements et bâtiments publics, autorisait les personnes publiques à déroger à certaines règles de construction (fixées par le Décret n° 2017-1044 du 10 mai 2017) à la condition d’atteindre des objectifs similaires. Ceci concernait notamment les matériaux et leur réemploi.

Un nouveau texte viendra élargir ce dispositif. Il s’agit de l’article 49 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 (Loi ESSOC, pour un État au service d’une société de confiance) qui introduit le « Permis d’expérimenter », précisé à travers deux ordonnances. La première (Ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018) étend le dispositif initial à d’autres champs d’expérimentation ainsi qu’à tous les maîtres d’ouvrages. Une deuxième ordonnance (Ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020) vient quant à elle pérenniser ces expérimentations en réécrivant le Code de la construction et de l’habitation (CCH). Dans un esprit d’innovation, tant architecturale que technique, une règle d’objectifs et de résultats à atteindre via le principe de la solution dite « d’effets équivalents » se substitue ainsi à la règle de moyens par l’utilisation de normes. Une validation de la demande par un organisme indépendant de l’opération apporte un élément de contrôle. Dans le domaine du réemploi, les matériaux ne doivent donc plus correspondre à une série de normes lorsque celles-ci sont imposées, ce qui n’est pas non plus toujours le cas, mais démonstration doit être faite de résultats équivalents à ceux attendus par ces normes ainsi que de leur caractère innovant.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (Loi ELAN, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) introduit de son côté le principe du « Permis d’innover », légèrement différent puisqu’il concerne les zones géographiques particulières de certaines grandes opérations, est validé par des pouvoirs publics et permet d’innover dans la construction mais aussi en matière d’urbanisme par exemple.

Si toutes ces démarches semblent par moment se recouper, il est important de signaler que l’idée initiale du « Permis de faire » qui allait dans le sens de la simplification et de l’intérêt général ne se retrouve que de façon très partielle dans toutes ces nouvelles moutures. Elles permettent de déroger à certaines règles mais en instaurent d’autres puisqu’il s’agit d’apporter la preuve d’une innovation et d’effets équivalents. Il est par ailleurs difficile de savoir dans quelle mesure tous les maîtres d’ouvrages qui le désirent pourront se permettre d’entreprendre des démarches qui restent compliquées et coûteuses. Le réemploi n’a d’ailleurs pas attendu ce nouvel arsenal législatif pour s’accommoder des normes et imaginer des solutions alternatives. Néanmoins, ces différents textes de loi dont l’expérience nous dira s’ils ont permis de réelles avancées, ont l’avantage d’entrouvrir une porte, d’envisager les projets d’architecture d’une autre manière et de s’intéresser aux matériaux et à leur réemploi. 

Guerre aux démolisseurs

Interior view of the Saint-Landry church, demolished in 1829 – unknown author – Musée Carnavalet, Histoire de Paris (Public domain)

L’écrivain français Victor Hugo est aussi connu pour avoir été l’un des grands défenseurs au XIXe siècle du patrimoine et de l’architecture médiévale. La défense des cathédrales gothiques et de Notre-Dame de Paris en particulier en est peut-être l’exemple le plus significatif.  Dans sa Note sur la destruction des monuments en France (1825) ainsi que dans Guerre aux démolisseurs (1832), il s’insurge contre les “ignobles spéculateurs” responsables de ces destructions, argue du fait que la beauté d’un édifice appartient à tout le monde, et réclame une loi qui protège le patrimoine. 

Dans ces deux textes, outre une liste considérable de destructions, dont celle de l’église Saint-Landry, il est fait mention à de nombreuses reprises et de façon peu flatteuse, de la vente et du réemploi des matériaux qui en sont issus. Victor Hugo constate que “c’est dans ces magnifiques ruines que le tailleur de pierre choisit des matériaux”, s’offusque du comportement de tel propriétaire “qui ne voit dans un monument qu’une carrière de pierres” ou de tel autre qui “vendra le Parthénon pour le prix de la pierre”. Ce maçon s’en sort un petit peux mieux, qui, ayant participé aux travaux de démolition partielle d’une église, réutilisa certains éléments afin de s’en faire “une admirable maisonnette”.

Si le contexte du réemploi des matériaux, ayant trait à la protection d’édifices historiques, est ici très spécifique, il met néanmoins en évidence les difficultés – voire les contradictions – avec lesquelles il faut traiter. Comment encourager au réemploi mais de façon respectueuse, tant des éléments à réemployer que des édifices eux-mêmes ? Comment éviter la spéculation au réemploi et éviter qu’un bâtiment n’ayant pas vocation à être détruit le soit afin d’en réemployer certains éléments ? Comment éviter enfin que le réemploi ne serve de prétexte ou d’excuse à une démolition ?

Une version de “Guerre aux démolisseurs” est notamment disponible en français sur wikisource.

Grande Halle de Colombelles

L’atelier électrique et la tour de refroidissement d’une ancienne société métallurgique française sont les seuls éléments ayant été conservés sur un site appelé à être reconverti. L’opérateur à majorité publique, Normandie Aménagement, en charge de cette reconversion a fait appel aux architectes de l’atelier Construire et à ceux d’Encore Heureux pour leur expérience dans le réemploi de matériaux, afin de transformer l’atelier électrique en nouveau lieu de travail et de culture, la Grande Halle. Celle-ci, dont l’enveloppe porteuse en béton est conservée, se divise en deux nefs : l’une est pratiquement laissée en l’état et est un lieu d’accueil et de rassemblement, l’autre est divisée en trois niveaux en bois prolongés par des balcons et accueillant café-restaurant, ateliers et espaces de travail ou de répétition.

Une première expérimentation de réemploi a été menée à proximité du projet par le Collectif ETC qui a été chargé de la construction de la cité de chantier. Cet espace temporaire constitué de vieux conteneurs et de matériaux de réemploi (dont une charpente métallique de chapiteau évoquant la toiture de la Grande Halle voisine) est devenu, à l’image de la Maison du projet Morland, lieu d’accueil du public, de médiation et d’échange autour du projet, au travers notamment de la permanence architecturale. L’association le WIP en charge de la gestion et de l’animation de la future Grande Halle, et afin d’en préfigurer les usages, s’était installée dans la cité de chantier.

Pour le chantier lui-même, le marché du projet a été divisé en plusieurs lots avec variante obligatoire relative au réemploi. Un lot spécifique au réemploi – le lot 1 – a été également créé et confié au WIP. Sa mission était d’identifier les gisements à proximité du chantier, de déconstruire et collecter, d’éventuellement remettre en état et de fournir les matériaux aux entreprises chargées du chantier en les stockant sur site dans des conteneurs. Des « fiches matériaux » ont été rédigées afin d’informer sur leur origine et leurs caractéristiques techniques. Ces fiches ainsi qu’un travail étroit avec les bureaux d’étude et les assureurs ont permis de rendre possible l’utilisation de tels matériaux. Il est à noter qu’un réel accompagnement au réemploi pour les entreprises du chantier a été effectué, grâce entre autres à la permanence architecturale. Le WIP, qui envisage le développement à plus long terme d’une plateforme physique de réemploi, a évalué les bénéfices de telles pratiques en terme de création d’emploi local à presque 2 ETP et a également estimé une réduction de CO2 de 25t ainsi qu’une diminution des déchets produits de 19t !

Voici une liste de matériaux de réemploi utilisés sur le site du projet :

  • 27 radiateurs en fonte et 25 en acier (provenant d’un immeuble de bureaux et d’un garage);
  • 31 pièces de sanitaires (vasques, WC, urinoirs, provenant d’immeubles de bureaux et d’activités);
  • 21 poteaux de garde-corps (issus notamment de bois de charpente);
  • 1 fenêtre sur 21 intégrables au projet à la suite d’un vol (provenant d’un bâtiment d’activités);
  • 18 portes en bois massif dont 2 portes coupe-feu (provenant d’immeubles d’habitation);
  • 200 m² d’isolant (dalles en laine de roche intégrée en faux-plafond et provenant d’immeubles de bureaux et d’activités);
  • carrelage et faïence (provenant notamment de fin de stock);
  • bois de menuiserie (issu des palettes de transport des matériaux).

Source: MOOC – Le réemploi : matières à bâtir, organisé par l’ICEB ; le WIP, dont un poster est disponible ici sous licence Creative Commons – Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International – avec d’autres détails concernant notamment les traitements effectués en vue du réemploi. 

Maison du projet Morland

Maison du projet Morland, 2018, Paris – Emerige (Project owner), Encore Heureux (conception), Encore Heureux + MI2S ingénierie + Albert&Compagnie + Esselinck Ingénierie (Team) – photography by Cyrus Cornut (courtesy of Encore Heureux)

Dans le cadre de l’appel à projets urbains innovants « Réinventer Paris » lancé en 2014, l’ancienne préfecture de Paris boulevard Morland est en cours de réhabilitation. Le projet « Morland Mixité Capitale », porté par le promoteur Emerige et mené par une équipe dont fait partie notamment David Chipperfield, la transformera en lieu de vie aux usages multiples. La déconstruction de l’imposant site administratif met en évidence une mine de matériaux au potentiel de réemploi non négligeable. Une fois identifié ce potentiel important, les architectes d’Encore heureux, se sont vu confier la réalisation d’une construction temporaire, à proximité du chantier principal, la Maison du projet Morland, intégrant une partie de ce gisement. Le reste sera quant à lui utilisé sur le projet de réhabilitation lui-même, pour d’autres aménagements de chantier ou bien sur des chantiers ex-situ.

La réalisation d’Encore Heureux s’insère donc dans la logique plus large du réemploi d’un gisement de matériaux. Construite en bonne partie avec des éléments provenant de ce gisement, sa façade rideau sur ossature bois intègre par exemple 78 ouvrants de fenêtre ! La Maison du projet Morland est bien sûr un espace dédié au projet mais le Pavillon de l’Arsenal, Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris, y a également proposé des ateliers-spectacles pour enfants, autour de l’architecture et de la ville contemporaine, conçus par les architectes de PLUS+MIEUX création.

Voici une liste partielle des éléments du gisement, dont certains ont été réemployés dans le projet d’Encore Heureux :

  • 1500 fenêtres ;
  • 11000 plaques de faux-plafond en métal ;
  • 2200 radiateurs ;
  • dalles en pierre ;
  • cloisons ;
  • luminaires.

Circular economy actions

La législation et les actions politiques actuelles relatives à l’économie circulaire mettent avant tout l’accent sur le recyclage, au détriment bien souvent du réemploi. Les recommandations de réduction des déchets faisant mention du réemploi s’accompagnent rarement, on l’a vu, de mesures concrètes. Il existe néanmoins une série de cas pratiques de mise en application de ces législations ou de ces décisions politiques et qui concernent le réemploi des matériaux de construction. Ceux-ci mettent en avant l’importance du rôle des pouvoirs publics et peuvent aller du simple accompagnement jusqu’à l’obligation en passant par la recommandation, en suivant la logique d’action permettre, encourager et obliger.

La série de cas pratiques décrits en fin d’article correspondent à des exemples incitatifs – visant à encourager – ou contraignants – visant à obliger – dans des pays et des territoires où une action préalable a déjà été menée afin de rendre possible le réemploi des matériaux. L’absence d’une telle action préalable sur le territoire espagnol ou au sein de la Communauté Autonome du Pays basque ne permet sans doute pas à l’heure actuelle la plupart des actions incitatives ou contraignantes de la part des pouvoirs publics. Il conviendrait dans un premier temps (et ce blog s’y emploie) de rendre visible et de faciliter les pratiques de réemploi avant d’envisager d’autres types d’actions. Néanmoins, un tour d’horizon de ce qui se fait déjà à l’étranger permet de se rendre compte de ce vers quoi nous pourrions nous diriger.

Suit ici une liste non exhaustive de ces cas pratiques, à commencer par des exemples incitatifs, pouvant aller de l’utilisation des marchés publics au soutien aux entreprises, en passant par des primes aux projets ou des incitatifs fiscaux :

  • En Belgique, la région wallonne a initié une étude visant une priorisation des matériaux de réemploi dans les cahiers des charges, mais aussi une série de recommandations pour l’élaboration des marchés publics afin d’y favoriser le réemploi. Par ailleurs, la Région de Bruxelles-Capitale, dans le cadre de son Programme Régional en Économie Circulaire, fournit une feuille de route aux nombreuses mesures dont certaines ayant vocation à devenir progressivement contraignantes. Le fréquent fonctionnement par subsidiarité de la Région amène au soutien du secteur via des appels à projets (BeExemplary ou BeCircular), des primes ou avantages fiscaux comme un futur taux de 6% de TVA pour des éléments de réemploi. Par ailleurs, est prévu pour 2021, parmi toute une série d’autres mesures favorisant ou sensibilisant au réemploi, l’obligation d’inventaire des matériaux pré-déconstruction.
  • À Seattle (U.S.A.), l’obtention d’un permis de déconstruction de bâtiments résidentiels est soumis, entre autre, à un réemploi des matériaux de construction d’un pourcentage minimal de 20% (hors asphalte, briques et bétons) ainsi qu’à la présentation d’un rapport identifiant les quantités d’éléments réemployés et recyclés. Ce processus permet d’engager une déconstruction avant qu’un nouveau permis de construire ait été délivré.

Voici maintenant une série d’exemples contraignants, liés à une obligation d’inventaire pré-démolition (aussi appelé diagnostic ressource) et/ou de déconstruction sélective, à une obligation de diriger certains éléments issus de la déconstruction vers des filières de réemploi, ou à une obligation d’intégrer certains éléments de réemploi dans de nouveaux projets :

  • En France, l’article 51 de la récente Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prévoit l’obligation lors de certains « travaux de démolition ou réhabilitation significative de bâtiments », d’un « diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets », « en vue, en priorité, de leur réemploi ou, à défaut, de leur valorisation ». L’article 59 de cette même loi modifie le Code de l’environnement (Article L 228-4) et oblige à veiller au réemploi des matériaux lors de commandes publiques dans le domaine de la construction.
  • À Portland (U.S.A.), imposition est faite d’une déconstruction permettant le réemploi des matériaux en lieu et place d’une simple démolition. Cette imposition concerne certains bâtiments dont des construction unifamiliales ayant une structure datant d’avant 1940 (voir ici).
  • Dans le Cook County (U.S.A.), lors de l’obtention d’un permis de démolition de bâtiments résidentiels, imposition est faite de diriger un minimum de 5% des matériaux vers des filières de réemploi (voir ici).

Ce texte se base en partie sur un rapport produit par Rotor dans le cadre du projet de recherche “le bâti bruxellois source de nouveaux matériaux” (BBSM) et qui propose des pistes d’action et des jalons pour développer le réemploi. S’y retrouvent plusieurs des exemples cités ici ainsi qu’une foule d’autres informations.

Pavillon Circulaire

Pavillon Circulaire, 2015, Paris – Pavillon de l’Arsenal (Project owner), Encore Heureux (conception), Tribu + Bonnefrite + Camping Design (Team) – photography by Cyrus Cornut (courtesy of Encore Heureux)

Le Pavillon Circulaire, installé sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris au moment de la COP 21 de 2015, est l’oeuvre du collectif d’architectes Encore Heureux, commanditée par le Pavillon de l’Arsenal (Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris). Préoccupé par les questions de réemploi, le collectif a conçu un pavillon temporaire, circulaire non pas quant à sa forme mais bien quant à son processus de fabrication. Cet espace polyvalent, à la façade bardée de portes en chêne et destiné à accueillir de petits événements ainsi qu’un bar, se voulait une expérimentation mais aussi la démonstration des possibilités du réemploi des matériaux.

Si l’aspect temporaire du pavillon et sa structure légère permettent certes de contourner certaines difficultés notamment normatives ou techniques, le projet n’en demeure pas moins exemplaire et le but qu’il s’était fixé atteint. Il aura contribué à faire parler du réemploi et à mettre en avant les problématiques portées par Encore Heureux. Ainsi, les principes de l’économie circulaire ont permis sa construction avec une main d’œuvre et des matériaux principalement locaux puisque 70% des matériaux de réemploi sont parisiens et que les ouvriers de la Ville de Paris y ont pris une part importante.

Voir également à ce sujet un article de la revue AMC.

Voici une liste des éléments réemployés dans le projet ainsi que leur provenance :

  • 180 portes en chêne, provenant de la réhabilitation d’un immeuble de logement ;
  • isolation en laine de roche, provenant des travaux de toiture d’un supermarché ;
  • structure en bois, provenant des restes d’un chantier de maison de retraite ;
  • panneaux de sol et murs, réemploi de panneaux d’exposition ;
  • caillebotis extérieurs, provenant de l’opération Paris-Plage ;
  • 50 chaises en bois, provenant de déchetteries parisiennes ;
  • suspensions lumineuses, provenant du stock des éclairages publics.

La Fabrique du clos

À Stains, en Ile-de-France, la démolition de tours d’immeuble et de leurs voiles de béton datant de 1959, a donné lieu depuis cinq ans à la réutilisation in situ de cette matière aux impacts environnementaux majeurs. Le projet est mené par Seine Saint Denis Habitat et les architectes de Bellastock, accompagnés notamment par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment).

La démarche, aux objectifs à la fois environnementaux, sociaux et culturels a abouti à la création de prototypes comme un sol scellé en dalle de béton, de la maçonnerie paysagère en pierre de béton pouvant servir de banc ou de jardinière et d’un local technique en murs de béton. Cette démarche a également mené à un plan d’aménagement d’espaces publics, à la mise en place d’une recyclerie, mais aussi à des programmes de sensibilisation, de formation et de création, en partant de l’échelle du quartier.

Une étude menée sur 60m2 de pavage en béton réemployé a déterminé un taux de réemploi du gisement destiné au pavage de 86%. L’étude met également en évidence, un délai supplémentaire de seulement 4 jours de chantier consacrés au réemploi et un coût au m2 de 25,2€ (soit 10 euros de moins qu’un pavage neuf estimé à 35,2euros). L’importance du travail in situ et du caractère expérimental sont ici à souligner.

Pavés

Street Paver – Paris 1899-1900, Eugène Atget – Library of Congress (Public domain)

Le Ministère de la Transition écologique et solidaire français a publié en 2018 un article sur le recyclage et le réemploi de matériaux de voirie par la Ville de Paris. Un grand nombre de matériaux sont ainsi réemployés après nettoyage et c’est notamment le cas de certains types de pavés. La quantité de pierres naturelles de récupération posées en voirie y est passée en dix ans de 20% à 80%, inversant ainsi les proportions !