Exhibitions – 1

Qu’il s’agisse d’expositions thématiques directement liées au sujet, ou d’expositions interrogeant les nouvelles manières de construire dans un contexte de crise sociale, environnementale et économique, le réemploi a été souvent mis à l’honneur ces dernières années.

L’une des plus connues en France a sans doute été dès 2014 l’exposition Matière Grise, commanditée par le Pavillon de l’Arsenal et dont les commissaires étaient les architectes d’Encore Heureux. L’exposition qui invitait à utiliser « plus de matière grise » et « moins de matières premières », présentait 75 projets de réemploi à travers le monde et soulignait le potentiel d’une telle pratique. Elle deviendra par la suite itinérante et sera présentée en de nombreux endroits en France et à l’international. Ce sera le cas notamment à Barcelone ainsi qu’au Colegio Oficial de Arquitectos de Madrid (COAM) en 2017 ou à Anglet en 2019.

À Bruxelles, c’est l’exposition Life under a cherry tree des Belges de Rotor qui présentait en 2019 à La Loge une série de matériaux issus de déconstructions ainsi qu’une réflexion sur leur réemploi. Cette exposition faisait suite à d’autres sur le même sujet en 2015 à Liège (Deconstruction), en 2016 à Bordeaux (Deconstruction) au sein de l’exposition constellation.s imaginée par arc en rêve centre d’architecture, en 2017 à Hasselt autour du réemploi de carreaux de céramique (Ceramic tiles), ainsi qu’à une réflexion en 2013 sur l’architecture durable à la Oslo Architecture Triennale (Behind the Green Door) ou à une autre en 2010 sur l’usure des matériaux (Usus/usures) protagoniste du pavillon belge à la Biennale de Venise.

Les Danois du Lendager Group présentaient quant à eux en 2017 au Danish Architecture Centre l’exposition Wasteland (voir un article à ce sujet sur le site Archdaily).

Le travail des Anglais d’Assemble faisait l’objet d’une exposition en 2017 au Architekturzentrum Wien (Az W) sous le titre How We Build. Celui des Suisses du Baubüro in situ était pour sa part présenté en 2018 au Musée Suisse d’Architecture à Bâle (S AM) au sein de l’exposition Transform et a fait très récemment partie d’une exposition à Graz à la Haus Der Architektur (HDA), Material Loops, qui regroupe des travaux théoriques et pratiques autour des matériaux de réemploi. Y sont par ailleurs exposés des projets allemands, autrichiens ou néerlandais, dont ceux de Superuse Studios.


L’exposition Matière Grise s’accompagnait d’un ouvrage, réédité il y a peu, toujours par le Pavillon de l’Arsenal et disponible ici

K 118

Autre projet dont sont en charge les architectes suisses du Baubüro in situ, la transformation en ateliers et espaces de travail d’un ancien entrepôt, le Kopfbau 118 sur la Lagerplatzareal à Winterthour en Suisse, est en cours de réalisation. Trois nouveaux étages y sont rajoutés à la structure existante. Les ateliers se distribuent aux différents étages autour d’une cuisine commune, sont pourvus de sanitaires et de loggias et sont accessibles par ascenseur ou via un escalier extérieur. Comme dans le cas de la Lysbüchelareal, les architectes ont appliqué le principe de l’urban mining afin de réaliser cette extension avec des matériaux réemployés ou réutilisés, sans que cela n’affecte le coût global du projet. Ceux-ci représentent 58% du volume en m³ de l’ensemble des matériaux potentiellement réemployables ou réutilisables sur le projet. Cette pratique, lorsqu’on la compare à l’utilisation de matériaux neufs, a contribué à une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre, soit environ 500 t CO2 équivalent !

Véritable “chasse au trésor”, la recherche de matériaux sur différents chantiers à travers la Suisse ou en suivant de près l’octroi de permis de démolition, a été suivie du stockage des éléments découverts. Ceux-ci étaient également mesurés et inventoriés à l’aide d’un numéro d’identification et d’un passeport de stockage regroupant les informations permettant leur future intégration au projet. Ce travail de documentation s’accompagne de démarches souvent coûteuses dans le but de satisfaire aux normes en vigueur, comme lors de l’ajout de double vitrage aux fenêtres de réemploi. Une certaine souplesse des autorités a par ailleurs facilité l’obtention du permis de construire alors que les caractéristiques de divers éléments, comme la couleur des futures façades, n’étaient pas encore connues.

Pièce maîtresse de ces éléments de réemploi, la structure en acier des nouveaux étages est issue de l’ancien centre de distribution de la Lysbücherareal à Bâle. Sa forme rectangulaire ne correspondait pas au bâtiment trapézoïdal existant à Winterthour mais le problème a été résolu moyennant un porte-à-faux. L’ossature en acier a été bétonnée afin de la faire correspondre aux normes incendies mais les connexions des différents éléments métalliques n’ont quant à elles été enduites que de mortier afin de faciliter leur démontage et un éventuel futur réemploi. D’autres pratiques durables accompagnant le réemploi sont également observées dans le projet : le recyclage (des murs en béton recyclé adaptés aux normes sismiques par exemple) ou des techniques traditionnelles d’utilisation de matériaux naturels. Si l’enveloppe extérieure du bâtiment est en bonne partie constituée de fenêtres et de tôles métalliques de réemploi, une structure secondaire en bois encadrant les fenêtres est ainsi isolée avec de la paille puis recouverte de terre.

Le projet de Baubüro in situ a également été l’occasion d’une collaboration avec une vingtaine d’étudiants de la Haute École Spécialisée de Winterthour (ZHAW). Ils avaient, avec une série de matériaux de réemploi, à imaginer un projet pour le futur K 118 et ont pu prendre part au processus d’urban mining. Leur travail, ainsi que celui de Baubüro in situ, a contribué à l’exposition “Transform” en 2018 au Musée Suisse d’Architecture à Bâle (S AM), présentée par la suite sous le titre “Bauteilrecycling” au département d’architecture de la ZHAW en 2019. Elle mettait notamment en avant cette démarche d’urban mining pratiquée par les architectes, en exposant une série de matériaux de réemploi ainsi qu’un mock-up de la future façade du bâtiment.

Suit ici une liste de matériaux de réemploi utilisés dans le projet:

  • Structure métallique en acier de plusieurs étages provenant d’un ancien centre de distribution (Bâle) et âgée d’une quinzaine d’années;
  • Stores, lucarnes et fenêtres (Winterthur et Zurich);
  • Tôles métalliques rouges en aluminium utilisées en façade et provenant d’une ancienne imprimerie (Winterthur);
  • Escalier extérieur en acier provenant d’un ancien immeuble de bureaux (Zurich) et balustrades d’escalier;
  • Dalles de parement en granit provenant d’un immeuble de bureaux (Zurich) et utilisées dans les loggias;
  • Portes diverses, dont une porte massive en verre et aluminium (Zurich) utilisée dans l’entrée principale;
  • Planchers en bois (Winterthur) et planches en bois massif, rabotées et utilisées comme cloisons;
  • Installation photovoltaïque d’une dizaine d’années (Zurich);
  • Radiateurs (Winterthur);
  • Briques et blocs de différentes dimensions;
  • Installations et éléments sanitaires;
  • Placards divers.

Ce texte se base notamment sur deux articles parus en allemand dans Der Landbote en mai 2020 et dans Baublatt en juillet 2020, et disponibles sur le site de Baubüro in situ, ainsi que sur un article publié dans la revue suisse Tracés et disponible sur l’espace numérique pour la culture du bâti espazium.ch

ELYS, Lysbüchelareal Basel

La zone urbaine Lysbüchel, dans le canton de Bâle-Ville en Suisse, qui jusqu’il y a peu était un site de production et de distribution d’une chaîne de supermarchés, est en cours de transformation à travers l’opération VoltaNord afin d’y amener entre autres des fonctions résidentielles. C’est au cœur de ce nouveau quartier que se trouve le Centre de culture et artisanat ELYS dont l’ouverture est prévue pour l’automne 2020. Le bâtiment datant de 1982 est une ancienne boulangerie industrielle et centre de distribution. Aux commandes de cette reconversion, le bureau d’architecture suisse Baubüro in situ, très actifs dans la réhabilitation et le réemploi.

Le choix du réemploi et de matériaux locaux a nécessité un intense travail préalable de recherche, de collecte et de déconstruction puis de stockage, ainsi qu’une conception différente du projet où le design est conditionné au type de matériaux découverts. Une collaboration étroite avec les autorités et le maître de l’ouvrage, les différentes équipes techniques et les usagers a également été nécessaire. Pour des raisons urbanistiques, le bâtiment a dû être raccourci à l’Est, laissant un vide qui devant être comblé par une nouvelle façade. Afin d’amener de la lumière, un atrium est également créé. Deux extensions voient par ailleurs le jour en toiture. La nouvelle façade Est et celle de l’atrium constituent les principales interventions sur l’édifice existant et font la part belle aux matériaux de réemploi ou d’excédent de stock.

A été fait le choix de modules préfabriqués en bois afin de réaliser ces quelques 1000m2 de nouvelles façades. Pour ce faire, du bois de réemploi collecté dans les environs (40%) ou originaire de forêts suisses (60%), a été transformé en poutres lamellées collées répondant aux exigences techniques pour la construction bois. Ces poutres ont été utilisées par la suite pour former les cadres compartimentés des modules de façade qui peuvent atteindre 9m de haut. La souplesse offerte par ce mode de construction a permis d’y intégrer des fenêtres aux composants, à l’aspect et aux dimensions très diverses, provenant d’excédents de stock de fabricants contactés dans un rayon de 100km autour du projet. Transport et stockage compris, le prix moyen de ces fenêtres a été évalué à 290 francs suisses (environ 270 euros), bien moins que leur prix neuf. Cependant, aucune garantie n’était plus offerte par les fabricants. Une partie de l’argent économisé a donc été affecté à la création d’un “fond de réparation”. Après installation des fenêtres, les différents compartiments des modules en bois ont été remplis de fibres et de morceaux de laine de roche de réemploi. L’enveloppe extérieure du bâtiment est quant à elle constituée en partie de tôles métalliques trapézoïdales grise (pour les extensions en toiture) ou verte (pour les modules de façade) et provenant principalement du bâtiment lui-même.

Suit ici une liste de matériaux réemployés dans le projet :

  • 2000 m2 de tôles métalliques trapézoïdales utilisés pour l’enveloppe du bâtiment, dont 1500 m2 ont été récupérées sur le bâtiment lui-même et sur un ancien entrepôt situé à proximité;
  • 200 fenêtres différentes provenant des stocks excédentaires de 12 fabricants des environs;
  • 150 m3 de bois provenant de la charpente d’une usine et transformés en poutres lamellées collées;
  • 150 m3 d’isolation en laine de roche;
  • Grilles caillebotis provenant de l’ancienne installation de chauffage central et utilisées comme garde-corps pour certaines fenêtres;
  • Tuyaux provenant de l’ancienne installation de sprinklers et transformés en supports pour les bancs de l’espace extérieur;
  • Dalles de béton provenant de l’ancien toit plat.

Ce texte se base notamment sur la contribution de Baubüro in situ au livre “umbaukultur” et dont la version en anglais est disponible sur leur site ainsi que sur un article publié dans la revue suisse Tracés et disponible sur l’espace numérique pour la culture du bâti espazium.ch.