Collectif Etc – 3

Si le bois de palette est un élément récurrent des projets mêlant réutilisation et réemploi, un autre matériau standardisé qui lui est proche trouve une utilisation intéressante en 2012 dans le projet d’aménagement du jardin Michelet à Colombes, près de Paris. Il s’agit de panneaux de séchage pour parpaings, aux dimensions bien définies : 140×110×4 cm dans le cas qui nous occupe. Ces panneaux en bois sont par ailleurs fréquemment renforcés sur les côtés par des profilés métalliques.

Le jardin Michelet est pour sa part l’un des éléments du projet R-urban, porté par l’atelier d’architecture autogérée (aaa). Dans une logique de création de réseaux locaux et de circuits courts, ce projet d’économie sociale et solidaire regroupe différents pôles s’articulant autour des questions de l’habitat (EcoHab), du recyclage (RecycLab) ainsi que de l’agriculture urbaine (AgroCité). C’est dans le jardin qui abrite l’AgroCité, qu’est intervenu le Collecif Etc. Auto-construction et réemploi étaient bien entendu au menu ! L’intervention porte sur un espace technique et un autre de rencontre, reliés par un axe central. Leur système constructif suit une trame régulière déterminée par les dimensions standardisées des panneaux de bois. Ceux-ci recouvrent planchers et parois des différents espaces. La régularité de la trame facilite par ailleurs d’éventuels ajouts ou modifications.

Les planches de séchages et une série d’autres matériaux de construction de seconde main récupérés sur chantier ou achetés auprès de fournisseurs spécialisés ont ainsi été valorisés par le Collectif Etc mais aussi par l’atelier d’architecture autogérée au sein du projet principal de l’AgroCité. Ces ressources ont été recensées sur le site internet du projet. Un nouveau réemploi des éléments constitutifs de l’AgroCité (madriers, fenêtres, portes…) sera d’ailleurs pratiqué lors du déménagement du projet. Il sera en effet déconstruit puis reconstruit en 2018 sur un nouveau site, à Gennevilliers.

Une série d’informations plus techniques sur les panneaux de séchage sont notamment disponible sur le site Opalis. Les caractéristiques techniques observées en Espagne peuvent différer légèrement puisque les dimensions des panneaux y sont en général inférieures. Il est cependant tout aussi possible de s’y fournir en seconde main. Les panneaux souvent réalisés en bois de pin existent également en plastique ou en métal.

Collectif Etc – 2

Habitué au travail du bois, le Collectif Etc participe en 2016 au chantier de remontage d’une ancienne étable à colombages du XIXe siècle. Celui-ci a lieu sur le site de l’Écomusée d’Alsace, musée en plein air dédié aux traditions et à la vie actuelle. Ce réemploi, servi par les techniques traditionnelles de la construction en bois, fat suite à un travail préalable de déconstruction et de numérotage de la part des équipes du musée. La vision d’une tradition remise au goût du jour défendue par l’Écomusée se traduit, lors de la reconstruction, par la réinterprétation des techniques anciennes et l’utilisation de vis ou d’un mur en béton. D’anciennes tuiles artisanales seront également réemployées. Tout ceci nous rappelle l’importance de certaines techniques parfois oubliées et les leçons qu’il y aurait à en tirer alors que nous redécouvrons la déconstruction et le réemploi.

Toujours sur le site de l’Écomusée, le Collectif Etc mène en parallèle un travail de recomposition d’une autre structure à colombages. Cette fois-ci, des pièces sont manquantes et le plan n’existe plus : un véritable puzzle pour constructeur en kit avec comme seule piste la petite plaque métallique numérotée que portent certaines pièces en bois. Les inévitables difficultés rencontrées illustrent bien l’importance de la déconstruction et de la numérotation qui, si elles sont correctement effectuées, peuvent permettre un réemploi rapide de structures parfois très anciennes !

Collectif Etc – 1

Les architectes et constructeurs français du Collectif Etc ont choisi de questionner nos pratiques urbaines et architecturales dans une logique d’autogestion égalitaire par les usagers. Le collectif accorde dès lors une grande importance au processus de création et à l’expérimentation. Il a la volonté de tisser des liens avec une série d’acteurs aux compétences très diverses. Ceci a par exemple débouché sur un périple d’un an à vélo à la découverte de la «fabrique citoyenne de la ville» (Détour de France), sur une incursion dans le monde de l’édition (la cabane d’édition Hyperville) ou sur la fondation d’un lieu propre (l’Ambassade du Turfu). Ce brassage d’idées et de pratiques amène naturellement le collectif à travailler avec et pour le réemploi. La cité de chantier construite à proximité de la Grande Halle de Colombelles avec de nombreux matériaux de réemploi n’est pas leur seul projet dans ce domaine.

Ainsi, en 2012, sur invitation à Grenoble des Arpenteurs, le collectif participe à la transformation d’un ancien local de vente de piscine, bâtiment industriel fourni par l’Établissement Public Foncier Local (EPFL), pour en faire une fabrique de solutions pour l’habitat. Renommé la Piscine, le lieu allait permettre le débat et l’expérimentation autour des questions de l’habitat, notamment à travers l’auto-construction et la réutilisation. Divisé en plusieurs lots attribués à différents collectifs, l’ensemble regroupe un atelier de fabrication de meubles, un espace polyvalent de rencontre et d’échange, une cuisine et une réserve. Grâce à une collecte de matériaux, cette dernière sera organisée en ressourcerie en vue des travaux ainsi que du fonctionnement ultérieur du lieu. Sera réutilisé du bois de palettes : des centaines de planches destinées notamment à la création de deux grandes tables. Des chutes de rideaux seront réassemblés en une grande pièce séparant les espaces. D’anciens meubles ainsi qu’une baignoire viendront équiper la cuisine. Les chutes de bois serviront à la création de lettres utilisées en façade et qui donnent sa nouvelle identité au bâtiment. Dans une logique de transmission, des notices de fabrications seront par ailleurs adjointes aux différents meubles élaborés.

L’exposition Matière Grise du Pavillon de l’Arsenal à Paris, dont les architectes d’Encore Heureux sont les commissaires, voyagera par las suite à Nice en 2015 au Forum d’Urbanisme et d’Architecture pour y présenter des projets de réemploi. Cette nouvelle édition sera l’occasion d’une installation in situ de la part du collectif. Les restes de l’exposition précédente mais aussi le centre de tri des déchets du bâtiment de l’industriel Véolia leur fourniront les matériaux nécessaires à la création d’une gamme de mobilier, principalement du bois issu de planches de coffrage. Ces matériaux alimenteront également une ressourcerie présente au sein de l’exposition et mise à la disposition des visiteurs après avoir servi au projet lui-même. Le mauvais état de ces matériaux et les différentes actions nécessaires afin de pouvoir les utiliser (sélection, déclouage, redécoupage, ponçage…) illustrent bien la différence qu’il y a entre réutilisation et réemploi et les difficultés qu’il y a à travailler avec des ressources ayant acquis un statut de déchet.

Lors de la 16e Biennale Internationale d’Architecture de Venise en 2018, le collectif participe à l’élaboration de la scénographie du Pavillon Français dont les commissaires sont les architectes d’Encore Heureux. Mettant en avant dix expérimentation françaises, tant architecturales que sociales et culturelles, le thème du Pavillon, Lieux infinis, correspond bien au collectif qui ne construit pas tant des bâtiments que des lieux. La scénographie utilisera les restes de la contribution française à la Biennale d’Art de l’année précédente (Studio Venezia de l’artiste Xavier Veilhan) : des centaines de plaques de contre-plaqué okoumé. Au préalable démontées et stockées, elles seront réemployées in situ, habillant la structure de l’espace principal ou se transformant en assises et plateaux des tabourets, bancs et tables créés pour l’occasion.


D’autres projets liés au réemploi sont également décrits de façon exhaustive sur le site du collectif.

Assemble – 2

L’expérience des carreaux artisanaux en béton présentée dans la première partie de l’article n’est pas la seule de ce genre menée par Assemble. Au sein du Granby Workshop à Liverpool, le collectif mène quantité d’autres expérimentations en collaboration avec des artistes et artisans locaux ainsi qu’avec les habitants du quartier. Cette entreprise sociale forme à la fabrication de produits artisanaux et soutient l’emploi et la créativité. Elle fait partie du projet communautaire Granby Four Streets de réhabilitation du quartier de Granby, fortement endommagé par des démolitions et dont ne subsistent que quatre rues de maisons mitoyennes datant de l’époque victorienne. Le projet est mené par les habitants eux-mêmes via un Community Land Trust, le Granby Four Streets CLT, et a pour but de rendre accessibles aux habitants certaines des maisons laissées à l’abandon. Dans ce contexte, Assemble a participé à la transformation de deux maisons en un jardin d’hiver partagé (Granby Winter Garden), et à la remise à neuf de plusieurs maisons (10 Houses on Cairns Street), ainsi qu’à la création du Granby Workshop lui-même.

Les premiers produits réalisés par le Granby Workshop l’ont été à destination des maisons en rénovation : carrelage de salle-de-bain, poignées de portes, manteaux de cheminée… D’autres seront par la suite proposés à la vente sur le site de l’atelier dont les bénéfices serviront notamment aux reconstructions. Dans une démarche à mi-chemin de la réutilisation et du recyclage, les matériaux utilisés sont locaux et issus principalement des maisons à l’abandon. Des morceaux de briques, d’ardoises ou de pierres sont ainsi moulés avec du sable et du ciment, polis puis transformés en un ensemble d’objets. Des briques ou des chutes de bois servent par ailleurs à la création de motifs pour des textiles.

Cette série d’expérimentations a conduit Assemble et le Granby Workshop à la production de carrelage pour le Pavillon Central de la Biennale d’Architecture de Venise (16e Exposition Internationale d’Architecture) en 2018. L’installation de milliers de carreaux de céramique artisanaux y était présentée sous le nom de The Factory Floor. Le procédé de fabrication des carreaux réinvente une technique traditionnelle (encaustic clay tiles) : les carreaux d’argile ne sont pas émaillés et la couleur ou le motif visibles en surface sont formés dans la masse, en combinant aléatoirement des morceaux d’argile de différentes couleurs dans un moule à haute pression. Ce procédé les rend extrême résistants, utilisables sur murs ou au sol, en intérieur comme en extérieur, et facilite leur démontage et leur réemploi. Ça a d’ailleurs été le cas à la fin de la Biennale. Les carreaux ont en effet été démontés et réemployés, toujours à Venise, dans un jardin accessible au public (Laguna Viva).

L’attrait d’Assemble pour la fabrication artisanale des objets et matériaux qui forment notre environnement construit est visible au travers de nombreux projets et expositions. Cette « sympathie des choses », pour reprendre le titre du documentaire radio présenté par le collectif et produit pour la BBC (The Sympathy of Things), cet attachement au travail et à l’héritage social et culturel qu’elles représentent, est peut-être l’une des clés qui nous permettra de sortir du cercle vicieux du tout jetable et conduira à leur préservation et à leur réemploi !

Assemble – 1

Collectif anglais se définissant à mi-chemin entre l’art, le design et l’architecture, Assemble n’a pas forcément le réemploi comme principale préoccupation. Il fait cependant de celui-ci un outil important au service d’une pratique sociale, coopérative et démocratique où la recherche, l’auto-construction, la formation ainsi que les techniques artisanales et traditionnelles ont également une place de choix.

Fondé en 2010 pour mener à bien un premier projet, le collectif manifeste d’entrée de jeu son intérêt pour un réemploi bien particulier, celui des bâtiments eux-mêmes. Le projet The Cineroleum investit en effet une station-service londonienne désaffectée et se veut une réflexion sur le devenir de ces infrastructures au Royaume-Uni. Le lieu sera transformé en un cinéma éphémère, sorte de prototype expérimental entouré d’une membrane se baissant ou se levant à la manière d’un rideau de scène. De nombreux matériaux y seront réutilisés ou réemployés : tables et chaises d’école en formica, planches d’échafaudages pour réaliser les strapontins… Auto-construit par de nombreux bénévoles avec l’aide de guides pratiques rédigés en cours de projet, The Cineroleum se veut la célébration de l’expérience sociale tant du cinéma que du processus d’expérimentation ayant mené à la transformation du lieu.

Assemble mènera par la suite d’autres projets au caractère social et culturel fort, souvent éphémères et où le réemploi et la réutilisation continuent de jouer un rôle important. À Londres, l’OTO Project Space est un espace polyvalent en lien avec la salle de musique Cafe OTO. Située sur un site à l’abandon, la construction est faite en bonne partie des décombres présents sur place. Les débris de démolition y sont utilisés comme matière première : la terre et les gravats ont été rassemblés, mis en sacs et comprimés par des bénévoles afin d’obtenir de nouveaux éléments constructifs pouvant s’assembler comme des moellons. Un enduit, lui aussi à base de gravats, et une toiture en bois complètent le tout. Ce mode constructif, plus proche du recyclage que du réemploi strict, marque une volonté forte d’utilisation de matériaux locaux et de réduction des déchets tout en revisitant la tradition anglaise de fabrication des briques en argile.

Une autre des caractéristiques de ces projets éphémères est la redistribution des éléments qui les constituent. Les techniques de montage permettent en effet souvent leur réemploi postérieur. C’est le cas des blocs en bois qui formaient la façade du projet Folly for a Flyover, réemployés pour créer de nouveaux espaces de jeux et de plantations dans une école primaire. C’est aussi le cas du projet Yardhouse qui intégrait son futur démontage dès la conception. Construite par Assemble au sein des Sugarhouse Studios, une expérience d’architecture et d’urbanisme temporaire et transitoire menée en collaboration avec la London Legacy Development Corporation, la Yardhouse regroupait une série d’ateliers autour d’un grand espace commun. Le bâtiment à ossature bois enveloppé de panneaux isolants avait sa façade principale couverte de carreaux colorés en béton, réalisés à la main et in situ. Il a été déconstruit lorsque les Sugarhouse Studios ont été relogés sur le site d’une nouvelle occupation temporaire (Sugarhouse Studios Bermondsey). Le choix des matériaux ainsi que leur mise en œuvre a permis non seulement une réduction des coûts mais aussi leur potentiel futur réemploi. La Yardhouse reste toutefois dans l’attente d’un réassemblage.

À travers ces expérimentations faites d’une multitude de pratiques, si Assemble ne fait pas acte de professionnalisation du réemploi, il ne tombe pas non plus dans l’excès d’une esthétisation à outrance du bricolage. Le collectif ne fait en effet usage du réemploi que s’il sert un but en accord avec ses valeurs !

K 118

Autre projet dont sont en charge les architectes suisses du Baubüro in situ, la transformation en ateliers et espaces de travail d’un ancien entrepôt, le Kopfbau 118 sur la Lagerplatzareal à Winterthour en Suisse, est en cours de réalisation. Trois nouveaux étages y sont rajoutés à la structure existante. Les ateliers se distribuent aux différents étages autour d’une cuisine commune, sont pourvus de sanitaires et de loggias et sont accessibles par ascenseur ou via un escalier extérieur. Comme dans le cas de la Lysbüchelareal, les architectes ont appliqué le principe de l’urban mining afin de réaliser cette extension avec des matériaux réemployés ou réutilisés, sans que cela n’affecte le coût global du projet. Ceux-ci représentent 58% du volume en m³ de l’ensemble des matériaux potentiellement réemployables ou réutilisables sur le projet. Cette pratique, lorsqu’on la compare à l’utilisation de matériaux neufs, a contribué à une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre, soit environ 500 t CO2 équivalent !

Véritable “chasse au trésor”, la recherche de matériaux sur différents chantiers à travers la Suisse ou en suivant de près l’octroi de permis de démolition, a été suivie du stockage des éléments découverts. Ceux-ci étaient également mesurés et inventoriés à l’aide d’un numéro d’identification et d’un passeport de stockage regroupant les informations permettant leur future intégration au projet. Ce travail de documentation s’accompagne de démarches souvent coûteuses dans le but de satisfaire aux normes en vigueur, comme lors de l’ajout de double vitrage aux fenêtres de réemploi. Une certaine souplesse des autorités a par ailleurs facilité l’obtention du permis de construire alors que les caractéristiques de divers éléments, comme la couleur des futures façades, n’étaient pas encore connues.

Pièce maîtresse de ces éléments de réemploi, la structure en acier des nouveaux étages est issue de l’ancien centre de distribution de la Lysbücherareal à Bâle. Sa forme rectangulaire ne correspondait pas au bâtiment trapézoïdal existant à Winterthour mais le problème a été résolu moyennant un porte-à-faux. L’ossature en acier a été bétonnée afin de la faire correspondre aux normes incendies mais les connexions des différents éléments métalliques n’ont quant à elles été enduites que de mortier afin de faciliter leur démontage et un éventuel futur réemploi. D’autres pratiques durables accompagnant le réemploi sont également observées dans le projet : le recyclage (des murs en béton recyclé adaptés aux normes sismiques par exemple) ou des techniques traditionnelles d’utilisation de matériaux naturels. Si l’enveloppe extérieure du bâtiment est en bonne partie constituée de fenêtres et de tôles métalliques de réemploi, une structure secondaire en bois encadrant les fenêtres est ainsi isolée avec de la paille puis recouverte de terre.

Le projet de Baubüro in situ a également été l’occasion d’une collaboration avec une vingtaine d’étudiants de la Haute École Spécialisée de Winterthour (ZHAW). Ils avaient, avec une série de matériaux de réemploi, à imaginer un projet pour le futur K 118 et ont pu prendre part au processus d’urban mining. Leur travail, ainsi que celui de Baubüro in situ, a contribué à l’exposition “Transform” en 2018 au Musée Suisse d’Architecture à Bâle (S AM), présentée par la suite sous le titre “Bauteilrecycling” au département d’architecture de la ZHAW en 2019. Elle mettait notamment en avant cette démarche d’urban mining pratiquée par les architectes, en exposant une série de matériaux de réemploi ainsi qu’un mock-up de la future façade du bâtiment.

Suit ici une liste de matériaux de réemploi utilisés dans le projet:

  • Structure métallique en acier de plusieurs étages provenant d’un ancien centre de distribution (Bâle) et âgée d’une quinzaine d’années;
  • Stores, lucarnes et fenêtres (Winterthur et Zurich);
  • Tôles métalliques rouges en aluminium utilisées en façade et provenant d’une ancienne imprimerie (Winterthur);
  • Escalier extérieur en acier provenant d’un ancien immeuble de bureaux (Zurich) et balustrades d’escalier;
  • Dalles de parement en granit provenant d’un immeuble de bureaux (Zurich) et utilisées dans les loggias;
  • Portes diverses, dont une porte massive en verre et aluminium (Zurich) utilisée dans l’entrée principale;
  • Planchers en bois (Winterthur) et planches en bois massif, rabotées et utilisées comme cloisons;
  • Installation photovoltaïque d’une dizaine d’années (Zurich);
  • Radiateurs (Winterthur);
  • Briques et blocs de différentes dimensions;
  • Installations et éléments sanitaires;
  • Placards divers.

Ce texte se base notamment sur deux articles parus en allemand dans Der Landbote en mai 2020 et dans Baublatt en juillet 2020, et disponibles sur le site de Baubüro in situ, ainsi que sur un article publié dans la revue suisse Tracés et disponible sur l’espace numérique pour la culture du bâti espazium.ch

Sala Beckett

À Barcelone, le bureau d’architecture Flores & Prats Architectes, est l’auteur de la réhabilitation de l’ancien site de la Cooperativa de Consumo Pau i Justicia, amené à devenir la nouvelle Sala Beckett (Fundació Sala Beckett / Obrador Internacional de Dramatúrgia). La coopérative, inaugurée en 1924 et abandonné dans les années 90, abritait une école, un magasin, ainsi qu’un café et une salle de théâtre, chacun de ces usages fonctionnant de manière indépendante. Le nouveau programme, qui regroupe une école de théâtre, des espaces de représentation et un bar, cherche au contraire l’interaction entre ses différentes fonctions. Celle-ci se fait notamment via un foyer aux nouvelles percées de lumière, qui connecte les différents niveaux et où peuvent se croiser les étudiants, les professeurs, les artistes mais aussi le public et les gens du quartier.

Les architectes décrivent leur première visite du bâtiment comme un voyage dans le temps. Sera réalisé un inventaire exhaustif – plus de cent plans comportant des dessins à différentes échelles – des restes encore visibles de la coopérative. Il s’agissait principalement de menuiseries, de revêtement de sol et de rosaces. Ces dessins ont permis de rendre visible chacun des éléments de façon détaillée, mettant en évidence leur état de conservation et leurs dimensions et valorisant de cette façon l’héritage qu’ils représentent. La décision a donc été prise de maintenir dans la mesure du possible les larges espaces existants ainsi que leur structure mais aussi les plus petits éléments qui avaient été inventoriés, afin que puissent coexister le passé de l’ancienne coopérative, les traces de l’abandon et les adaptations nécessaires au nouveau programme.

Si les éléments inventoriés ont été réemployés in situ et dans leur fonction initiale, ils l’ont cependant été dans la majorité des cas à un autre endroit du bâtiment, celui-ci devant être adapté à de nouvelles normes, à un nouveau programme et à certaines modifications d’ordre structurel, ce qui a transformé le travail des architectes en un véritable collage. Certains éléments structurels, de nouvelles finitions ainsi que du mobilier ont par ailleurs été incorporés aux espaces et aux éléments existants.

En ce qui concerne les menuiseries, 90% des portes et fenêtres ont été réemployées, la majorité d’entre-elles en étant adaptées ou réparées. Certaines portes ont ainsi dû être raccourcies pour les adapter à l’augmentation de l’épaisseur des planchers qui devaient être renforcés et certaines fenêtres ont été équipées d’un double vitrage. Ces transformations et réparations ont été effectuées in situ, faisant ainsi l’économie du transport. Un escalier ainsi que plusieurs garde-corps ont également été réemployés, ces derniers étant eux aussi adaptés en vue de leur réinstallation.

Le revêtement de sol de chaque espace de l’ancienne coopérative était à l’origine constitué d’un type de carrelage différent. Les espaces de répétition ou de représentation nécessitant un revêtement plus adéquat, leur carrelage a été déplacé dans d’autres zones du bâtiment, ce qui a permis la création de nouvelles combinaisons. Au moment de leur démontage, 20% des carreaux ont été perdus. Cette proportion sera dès lors prise en compte au moment de planifier leur réinstallation.

Trois rosaces qui provenaient du toit de l’ancienne salle de théâtre de la coopérative ont pu être sauvées et utilisées en tant qu’éléments muraux décoratifs. Les rosaces existantes dans d’autres parties du bâtiment ont été quant à elles conservées à leur emplacement d’origine et incorporées au système de climatisation.

Avant le début des travaux de réhabilitation, l’équipe de la Sala Beckett a occupé de façon éphémère le premier étage de l’édifice. Dans une logique similaire à celle du projet principal, a été réalisé un inventaire du mobilier provenant de leur ancien site dans le but de le réemployer dans le bâtiment de la coopérative. Cette occupation temporaire et transitoire a permis de mettre à l’épreuve le nouveau programme ainsi que son incorporation au bâtiment, mais a aussi favorisé pour l’équipe, les étudiants et le public, l’adoption du lieu et des éléments qui allaient être réemployés. Par la suite, un projet culturel et théâtral qui évoquait la mémoire du bâtiment y a été réalisé, le transformant tout entier en lieu de représentation. Le jeu théâtral parcourait ainsi l’espace et le temps comme l’avait fait l’architecture grâce aux inventaires et au réemploi.

Suit ici une liste non exhaustive d’éléments réemployés (source Flores & Prats et Opalis) :

  • 200 m² de carrelage (finitions murales et de revêtement de sol), démontés, lavés et réinstallés in situ;
  • 44 portes en bois, nettoyées, adaptées et réparées in situ;
  • 35 châssis de fenêtre en bois, nettoyés, adaptés et réparés in situ;
  • 1 escalier;
  • garde-corps;
  • 3 rosaces, utilisées comme décorations murales.

Cet article s’inspire en partie du livre Sala Beckett – International Drama Centre et de la série documentaire Escala 1:5.

ELYS, Lysbüchelareal Basel

La zone urbaine Lysbüchel, dans le canton de Bâle-Ville en Suisse, qui jusqu’il y a peu était un site de production et de distribution d’une chaîne de supermarchés, est en cours de transformation à travers l’opération VoltaNord afin d’y amener entre autres des fonctions résidentielles. C’est au cœur de ce nouveau quartier que se trouve le Centre de culture et artisanat ELYS dont l’ouverture est prévue pour l’automne 2020. Le bâtiment datant de 1982 est une ancienne boulangerie industrielle et centre de distribution. Aux commandes de cette reconversion, le bureau d’architecture suisse Baubüro in situ, très actifs dans la réhabilitation et le réemploi.

Le choix du réemploi et de matériaux locaux a nécessité un intense travail préalable de recherche, de collecte et de déconstruction puis de stockage, ainsi qu’une conception différente du projet où le design est conditionné au type de matériaux découverts. Une collaboration étroite avec les autorités et le maître de l’ouvrage, les différentes équipes techniques et les usagers a également été nécessaire. Pour des raisons urbanistiques, le bâtiment a dû être raccourci à l’Est, laissant un vide qui devant être comblé par une nouvelle façade. Afin d’amener de la lumière, un atrium est également créé. Deux extensions voient par ailleurs le jour en toiture. La nouvelle façade Est et celle de l’atrium constituent les principales interventions sur l’édifice existant et font la part belle aux matériaux de réemploi ou d’excédent de stock.

A été fait le choix de modules préfabriqués en bois afin de réaliser ces quelques 1000m2 de nouvelles façades. Pour ce faire, du bois de réemploi collecté dans les environs (40%) ou originaire de forêts suisses (60%), a été transformé en poutres lamellées collées répondant aux exigences techniques pour la construction bois. Ces poutres ont été utilisées par la suite pour former les cadres compartimentés des modules de façade qui peuvent atteindre 9m de haut. La souplesse offerte par ce mode de construction a permis d’y intégrer des fenêtres aux composants, à l’aspect et aux dimensions très diverses, provenant d’excédents de stock de fabricants contactés dans un rayon de 100km autour du projet. Transport et stockage compris, le prix moyen de ces fenêtres a été évalué à 290 francs suisses (environ 270 euros), bien moins que leur prix neuf. Cependant, aucune garantie n’était plus offerte par les fabricants. Une partie de l’argent économisé a donc été affecté à la création d’un “fond de réparation”. Après installation des fenêtres, les différents compartiments des modules en bois ont été remplis de fibres et de morceaux de laine de roche de réemploi. L’enveloppe extérieure du bâtiment est quant à elle constituée en partie de tôles métalliques trapézoïdales grise (pour les extensions en toiture) ou verte (pour les modules de façade) et provenant principalement du bâtiment lui-même.

Suit ici une liste de matériaux réemployés dans le projet :

  • 2000 m2 de tôles métalliques trapézoïdales utilisés pour l’enveloppe du bâtiment, dont 1500 m2 ont été récupérées sur le bâtiment lui-même et sur un ancien entrepôt situé à proximité;
  • 200 fenêtres différentes provenant des stocks excédentaires de 12 fabricants des environs;
  • 150 m3 de bois provenant de la charpente d’une usine et transformés en poutres lamellées collées;
  • 150 m3 d’isolation en laine de roche;
  • Grilles caillebotis provenant de l’ancienne installation de chauffage central et utilisées comme garde-corps pour certaines fenêtres;
  • Tuyaux provenant de l’ancienne installation de sprinklers et transformés en supports pour les bancs de l’espace extérieur;
  • Dalles de béton provenant de l’ancien toit plat.

Ce texte se base notamment sur la contribution de Baubüro in situ au livre “umbaukultur” et dont la version en anglais est disponible sur leur site ainsi que sur un article publié dans la revue suisse Tracés et disponible sur l’espace numérique pour la culture du bâti espazium.ch.

Grande Halle de Colombelles

L’atelier électrique et la tour de refroidissement d’une ancienne société métallurgique française sont les seuls éléments ayant été conservés sur un site appelé à être reconverti. L’opérateur à majorité publique, Normandie Aménagement, en charge de cette reconversion a fait appel aux architectes de l’atelier Construire et à ceux d’Encore Heureux pour leur expérience dans le réemploi de matériaux, afin de transformer l’atelier électrique en nouveau lieu de travail et de culture, la Grande Halle. Celle-ci, dont l’enveloppe porteuse en béton est conservée, se divise en deux nefs : l’une est pratiquement laissée en l’état et est un lieu d’accueil et de rassemblement, l’autre est divisée en trois niveaux en bois prolongés par des balcons et accueillant café-restaurant, ateliers et espaces de travail ou de répétition.

Une première expérimentation de réemploi a été menée à proximité du projet par le Collectif ETC qui a été chargé de la construction de la cité de chantier. Cet espace temporaire constitué de vieux conteneurs et de matériaux de réemploi (dont une charpente métallique de chapiteau évoquant la toiture de la Grande Halle voisine) est devenu, à l’image de la Maison du projet Morland, lieu d’accueil du public, de médiation et d’échange autour du projet, au travers notamment de la permanence architecturale. L’association le WIP en charge de la gestion et de l’animation de la future Grande Halle, et afin d’en préfigurer les usages, s’était installée dans la cité de chantier.

Pour le chantier lui-même, le marché du projet a été divisé en plusieurs lots avec variante obligatoire relative au réemploi. Un lot spécifique au réemploi – le lot 1 – a été également créé et confié au WIP. Sa mission était d’identifier les gisements à proximité du chantier, de déconstruire et collecter, d’éventuellement remettre en état et de fournir les matériaux aux entreprises chargées du chantier en les stockant sur site dans des conteneurs. Des « fiches matériaux » ont été rédigées afin d’informer sur leur origine et leurs caractéristiques techniques. Ces fiches ainsi qu’un travail étroit avec les bureaux d’étude et les assureurs ont permis de rendre possible l’utilisation de tels matériaux. Il est à noter qu’un réel accompagnement au réemploi pour les entreprises du chantier a été effectué, grâce entre autres à la permanence architecturale. Le WIP, qui envisage le développement à plus long terme d’une plateforme physique de réemploi, a évalué les bénéfices de telles pratiques en terme de création d’emploi local à presque 2 ETP et a également estimé une réduction de CO2 de 25t ainsi qu’une diminution des déchets produits de 19t !

Voici une liste de matériaux de réemploi utilisés sur le site du projet :

  • 27 radiateurs en fonte et 25 en acier (provenant d’un immeuble de bureaux et d’un garage);
  • 31 pièces de sanitaires (vasques, WC, urinoirs, provenant d’immeubles de bureaux et d’activités);
  • 21 poteaux de garde-corps (issus notamment de bois de charpente);
  • 1 fenêtre sur 21 intégrables au projet à la suite d’un vol (provenant d’un bâtiment d’activités);
  • 18 portes en bois massif dont 2 portes coupe-feu (provenant d’immeubles d’habitation);
  • 200 m² d’isolant (dalles en laine de roche intégrée en faux-plafond et provenant d’immeubles de bureaux et d’activités);
  • carrelage et faïence (provenant notamment de fin de stock);
  • bois de menuiserie (issu des palettes de transport des matériaux).

Source: MOOC – Le réemploi : matières à bâtir, organisé par l’ICEB ; le WIP, dont un poster est disponible ici sous licence Creative Commons – Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International – avec d’autres détails concernant notamment les traitements effectués en vue du réemploi. 

Maison du projet Morland

Maison du projet Morland, 2018, Paris – Emerige (Project owner), Encore Heureux (conception), Encore Heureux + MI2S ingénierie + Albert&Compagnie + Esselinck Ingénierie (Team) – photography by Cyrus Cornut (courtesy of Encore Heureux)

Dans le cadre de l’appel à projets urbains innovants « Réinventer Paris » lancé en 2014, l’ancienne préfecture de Paris boulevard Morland est en cours de réhabilitation. Le projet « Morland Mixité Capitale », porté par le promoteur Emerige et mené par une équipe dont fait partie notamment David Chipperfield, la transformera en lieu de vie aux usages multiples. La déconstruction de l’imposant site administratif met en évidence une mine de matériaux au potentiel de réemploi non négligeable. Une fois identifié ce potentiel important, les architectes d’Encore heureux, se sont vu confier la réalisation d’une construction temporaire, à proximité du chantier principal, la Maison du projet Morland, intégrant une partie de ce gisement. Le reste sera quant à lui utilisé sur le projet de réhabilitation lui-même, pour d’autres aménagements de chantier ou bien sur des chantiers ex-situ.

La réalisation d’Encore Heureux s’insère donc dans la logique plus large du réemploi d’un gisement de matériaux. Construite en bonne partie avec des éléments provenant de ce gisement, sa façade rideau sur ossature bois intègre par exemple 78 ouvrants de fenêtre ! La Maison du projet Morland est bien sûr un espace dédié au projet mais le Pavillon de l’Arsenal, Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris, y a également proposé des ateliers-spectacles pour enfants, autour de l’architecture et de la ville contemporaine, conçus par les architectes de PLUS+MIEUX création.

Voici une liste partielle des éléments du gisement, dont certains ont été réemployés dans le projet d’Encore Heureux :

  • 1500 fenêtres ;
  • 11000 plaques de faux-plafond en métal ;
  • 2200 radiateurs ;
  • dalles en pierre ;
  • cloisons ;
  • luminaires.