K 118

Autre projet dont sont en charge les architectes suisses du Baubüro in situ, la transformation en ateliers et espaces de travail d’un ancien entrepôt, le Kopfbau 118 sur la Lagerplatzareal à Winterthour en Suisse, est en cours de réalisation. Trois nouveaux étages y sont rajoutés à la structure existante. Les ateliers se distribuent aux différents étages autour d’une cuisine commune, sont pourvus de sanitaires et de loggias et sont accessibles par ascenseur ou via un escalier extérieur. Comme dans le cas de la Lysbüchelareal, les architectes ont appliqué le principe de l’urban mining afin de réaliser cette extension avec des matériaux réemployés ou réutilisés, sans que cela n’affecte le coût global du projet. Ceux-ci représentent 58% du volume en m³ de l’ensemble des matériaux potentiellement réemployables ou réutilisables sur le projet. Cette pratique, lorsqu’on la compare à l’utilisation de matériaux neufs, a contribué à une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre, soit environ 500 t CO2 équivalent !

Véritable “chasse au trésor”, la recherche de matériaux sur différents chantiers à travers la Suisse ou en suivant de près l’octroi de permis de démolition, a été suivie du stockage des éléments découverts. Ceux-ci étaient également mesurés et inventoriés à l’aide d’un numéro d’identification et d’un passeport de stockage regroupant les informations permettant leur future intégration au projet. Ce travail de documentation s’accompagne de démarches souvent coûteuses dans le but de satisfaire aux normes en vigueur, comme lors de l’ajout de double vitrage aux fenêtres de réemploi. Une certaine souplesse des autorités a par ailleurs facilité l’obtention du permis de construire alors que les caractéristiques de divers éléments, comme la couleur des futures façades, n’étaient pas encore connues.

Pièce maîtresse de ces éléments de réemploi, la structure en acier des nouveaux étages est issue de l’ancien centre de distribution de la Lysbücherareal à Bâle. Sa forme rectangulaire ne correspondait pas au bâtiment trapézoïdal existant à Winterthour mais le problème a été résolu moyennant un porte-à-faux. L’ossature en acier a été bétonnée afin de la faire correspondre aux normes incendies mais les connexions des différents éléments métalliques n’ont quant à elles été enduites que de mortier afin de faciliter leur démontage et un éventuel futur réemploi. D’autres pratiques durables accompagnant le réemploi sont également observées dans le projet : le recyclage (des murs en béton recyclé adaptés aux normes sismiques par exemple) ou des techniques traditionnelles d’utilisation de matériaux naturels. Si l’enveloppe extérieure du bâtiment est en bonne partie constituée de fenêtres et de tôles métalliques de réemploi, une structure secondaire en bois encadrant les fenêtres est ainsi isolée avec de la paille puis recouverte de terre.

Le projet de Baubüro in situ a également été l’occasion d’une collaboration avec une vingtaine d’étudiants de la Haute École Spécialisée de Winterthour (ZHAW). Ils avaient, avec une série de matériaux de réemploi, à imaginer un projet pour le futur K 118 et ont pu prendre part au processus d’urban mining. Leur travail, ainsi que celui de Baubüro in situ, a contribué à l’exposition “Transform” en 2018 au Musée Suisse d’Architecture à Bâle (S AM), présentée par la suite sous le titre “Bauteilrecycling” au département d’architecture de la ZHAW en 2019. Elle mettait notamment en avant cette démarche d’urban mining pratiquée par les architectes, en exposant une série de matériaux de réemploi ainsi qu’un mock-up de la future façade du bâtiment.

Suit ici une liste de matériaux de réemploi utilisés dans le projet:

  • Structure métallique en acier de plusieurs étages provenant d’un ancien centre de distribution (Bâle) et âgée d’une quinzaine d’années;
  • Stores, lucarnes et fenêtres (Winterthur et Zurich);
  • Tôles métalliques rouges en aluminium utilisées en façade et provenant d’une ancienne imprimerie (Winterthur);
  • Escalier extérieur en acier provenant d’un ancien immeuble de bureaux (Zurich) et balustrades d’escalier;
  • Dalles de parement en granit provenant d’un immeuble de bureaux (Zurich) et utilisées dans les loggias;
  • Portes diverses, dont une porte massive en verre et aluminium (Zurich) utilisée dans l’entrée principale;
  • Planchers en bois (Winterthur) et planches en bois massif, rabotées et utilisées comme cloisons;
  • Installation photovoltaïque d’une dizaine d’années (Zurich);
  • Radiateurs (Winterthur);
  • Briques et blocs de différentes dimensions;
  • Installations et éléments sanitaires;
  • Placards divers.

Ce texte se base notamment sur deux articles parus en allemand dans Der Landbote en mai 2020 et dans Baublatt en juillet 2020, et disponibles sur le site de Baubüro in situ, ainsi que sur un article publié dans la revue suisse Tracés et disponible sur l’espace numérique pour la culture du bâti espazium.ch

Sala Beckett

À Barcelone, le bureau d’architecture Flores & Prats Architectes, est l’auteur de la réhabilitation de l’ancien site de la Cooperativa de Consumo Pau i Justicia, amené à devenir la nouvelle Sala Beckett (Fundació Sala Beckett / Obrador Internacional de Dramatúrgia). La coopérative, inaugurée en 1924 et abandonné dans les années 90, abritait une école, un magasin, ainsi qu’un café et une salle de théâtre, chacun de ces usages fonctionnant de manière indépendante. Le nouveau programme, qui regroupe une école de théâtre, des espaces de représentation et un bar, cherche au contraire l’interaction entre ses différentes fonctions. Celle-ci se fait notamment via un foyer aux nouvelles percées de lumière, qui connecte les différents niveaux et où peuvent se croiser les étudiants, les professeurs, les artistes mais aussi le public et les gens du quartier.

Les architectes décrivent leur première visite du bâtiment comme un voyage dans le temps. Sera réalisé un inventaire exhaustif – plus de cent plans comportant des dessins à différentes échelles – des restes encore visibles de la coopérative. Il s’agissait principalement de menuiseries, de revêtement de sol et de rosaces. Ces dessins ont permis de rendre visible chacun des éléments de façon détaillée, mettant en évidence leur état de conservation et leurs dimensions et valorisant de cette façon l’héritage qu’ils représentent. La décision a donc été prise de maintenir dans la mesure du possible les larges espaces existants ainsi que leur structure mais aussi les plus petits éléments qui avaient été inventoriés, afin que puissent coexister le passé de l’ancienne coopérative, les traces de l’abandon et les adaptations nécessaires au nouveau programme.

Si les éléments inventoriés ont été réemployés in situ et dans leur fonction initiale, ils l’ont cependant été dans la majorité des cas à un autre endroit du bâtiment, celui-ci devant être adapté à de nouvelles normes, à un nouveau programme et à certaines modifications d’ordre structurel, ce qui a transformé le travail des architectes en un véritable collage. Certains éléments structurels, de nouvelles finitions ainsi que du mobilier ont par ailleurs été incorporés aux espaces et aux éléments existants.

En ce qui concerne les menuiseries, 90% des portes et fenêtres ont été réemployées, la majorité d’entre-elles en étant adaptées ou réparées. Certaines portes ont ainsi dû être raccourcies pour les adapter à l’augmentation de l’épaisseur des planchers qui devaient être renforcés et certaines fenêtres ont été équipées d’un double vitrage. Ces transformations et réparations ont été effectuées in situ, faisant ainsi l’économie du transport. Un escalier ainsi que plusieurs garde-corps ont également été réemployés, ces derniers étant eux aussi adaptés en vue de leur réinstallation.

Le revêtement de sol de chaque espace de l’ancienne coopérative était à l’origine constitué d’un type de carrelage différent. Les espaces de répétition ou de représentation nécessitant un revêtement plus adéquat, leur carrelage a été déplacé dans d’autres zones du bâtiment, ce qui a permis la création de nouvelles combinaisons. Au moment de leur démontage, 20% des carreaux ont été perdus. Cette proportion sera dès lors prise en compte au moment de planifier leur réinstallation.

Trois rosaces qui provenaient du toit de l’ancienne salle de théâtre de la coopérative ont pu être sauvées et utilisées en tant qu’éléments muraux décoratifs. Les rosaces existantes dans d’autres parties du bâtiment ont été quant à elles conservées à leur emplacement d’origine et incorporées au système de climatisation.

Avant le début des travaux de réhabilitation, l’équipe de la Sala Beckett a occupé de façon éphémère le premier étage de l’édifice. Dans une logique similaire à celle du projet principal, a été réalisé un inventaire du mobilier provenant de leur ancien site dans le but de le réemployer dans le bâtiment de la coopérative. Cette occupation temporaire et transitoire a permis de mettre à l’épreuve le nouveau programme ainsi que son incorporation au bâtiment, mais a aussi favorisé pour l’équipe, les étudiants et le public, l’adoption du lieu et des éléments qui allaient être réemployés. Par la suite, un projet culturel et théâtral qui évoquait la mémoire du bâtiment y a été réalisé, le transformant tout entier en lieu de représentation. Le jeu théâtral parcourait ainsi l’espace et le temps comme l’avait fait l’architecture grâce aux inventaires et au réemploi.

Suit ici une liste non exhaustive d’éléments réemployés (source Flores & Prats et Opalis) :

  • 200 m² de carrelage (finitions murales et de revêtement de sol), démontés, lavés et réinstallés in situ;
  • 44 portes en bois, nettoyées, adaptées et réparées in situ;
  • 35 châssis de fenêtre en bois, nettoyés, adaptés et réparés in situ;
  • 1 escalier;
  • garde-corps;
  • 3 rosaces, utilisées comme décorations murales.

Cet article s’inspire en partie du livre Sala Beckett – International Drama Centre et de la série documentaire Escala 1:5.

ELYS, Lysbüchelareal Basel

La zone urbaine Lysbüchel, dans le canton de Bâle-Ville en Suisse, qui jusqu’il y a peu était un site de production et de distribution d’une chaîne de supermarchés, est en cours de transformation à travers l’opération VoltaNord afin d’y amener entre autres des fonctions résidentielles. C’est au cœur de ce nouveau quartier que se trouve le Centre de culture et artisanat ELYS dont l’ouverture est prévue pour l’automne 2020. Le bâtiment datant de 1982 est une ancienne boulangerie industrielle et centre de distribution. Aux commandes de cette reconversion, le bureau d’architecture suisse Baubüro in situ, très actifs dans la réhabilitation et le réemploi.

Le choix du réemploi et de matériaux locaux a nécessité un intense travail préalable de recherche, de collecte et de déconstruction puis de stockage, ainsi qu’une conception différente du projet où le design est conditionné au type de matériaux découverts. Une collaboration étroite avec les autorités et le maître de l’ouvrage, les différentes équipes techniques et les usagers a également été nécessaire. Pour des raisons urbanistiques, le bâtiment a dû être raccourci à l’Est, laissant un vide qui devant être comblé par une nouvelle façade. Afin d’amener de la lumière, un atrium est également créé. Deux extensions voient par ailleurs le jour en toiture. La nouvelle façade Est et celle de l’atrium constituent les principales interventions sur l’édifice existant et font la part belle aux matériaux de réemploi ou d’excédent de stock.

A été fait le choix de modules préfabriqués en bois afin de réaliser ces quelques 1000m2 de nouvelles façades. Pour ce faire, du bois de réemploi collecté dans les environs (40%) ou originaire de forêts suisses (60%), a été transformé en poutres lamellées collées répondant aux exigences techniques pour la construction bois. Ces poutres ont été utilisées par la suite pour former les cadres compartimentés des modules de façade qui peuvent atteindre 9m de haut. La souplesse offerte par ce mode de construction a permis d’y intégrer des fenêtres aux composants, à l’aspect et aux dimensions très diverses, provenant d’excédents de stock de fabricants contactés dans un rayon de 100km autour du projet. Transport et stockage compris, le prix moyen de ces fenêtres a été évalué à 290 francs suisses (environ 270 euros), bien moins que leur prix neuf. Cependant, aucune garantie n’était plus offerte par les fabricants. Une partie de l’argent économisé a donc été affecté à la création d’un “fond de réparation”. Après installation des fenêtres, les différents compartiments des modules en bois ont été remplis de fibres et de morceaux de laine de roche de réemploi. L’enveloppe extérieure du bâtiment est quant à elle constituée en partie de tôles métalliques trapézoïdales grise (pour les extensions en toiture) ou verte (pour les modules de façade) et provenant principalement du bâtiment lui-même.

Suit ici une liste de matériaux réemployés dans le projet :

  • 2000 m2 de tôles métalliques trapézoïdales utilisés pour l’enveloppe du bâtiment, dont 1500 m2 ont été récupérées sur le bâtiment lui-même et sur un ancien entrepôt situé à proximité;
  • 200 fenêtres différentes provenant des stocks excédentaires de 12 fabricants des environs;
  • 150 m3 de bois provenant de la charpente d’une usine et transformés en poutres lamellées collées;
  • 150 m3 d’isolation en laine de roche;
  • Grilles caillebotis provenant de l’ancienne installation de chauffage central et utilisées comme garde-corps pour certaines fenêtres;
  • Tuyaux provenant de l’ancienne installation de sprinklers et transformés en supports pour les bancs de l’espace extérieur;
  • Dalles de béton provenant de l’ancien toit plat.

Ce texte se base notamment sur la contribution de Baubüro in situ au livre “umbaukultur” et dont la version en anglais est disponible sur leur site ainsi que sur un article publié dans la revue suisse Tracés et disponible sur l’espace numérique pour la culture du bâti espazium.ch.

Guerre aux démolisseurs

Interior view of the Saint-Landry church, demolished in 1829 – unknown author – Musée Carnavalet, Histoire de Paris (Public domain)

L’écrivain français Victor Hugo est aussi connu pour avoir été l’un des grands défenseurs au XIXe siècle du patrimoine et de l’architecture médiévale. La défense des cathédrales gothiques et de Notre-Dame de Paris en particulier en est peut-être l’exemple le plus significatif.  Dans sa Note sur la destruction des monuments en France (1825) ainsi que dans Guerre aux démolisseurs (1832), il s’insurge contre les “ignobles spéculateurs” responsables de ces destructions, argue du fait que la beauté d’un édifice appartient à tout le monde, et réclame une loi qui protège le patrimoine. 

Dans ces deux textes, outre une liste considérable de destructions, dont celle de l’église Saint-Landry, il est fait mention à de nombreuses reprises et de façon peu flatteuse, de la vente et du réemploi des matériaux qui en sont issus. Victor Hugo constate que “c’est dans ces magnifiques ruines que le tailleur de pierre choisit des matériaux”, s’offusque du comportement de tel propriétaire “qui ne voit dans un monument qu’une carrière de pierres” ou de tel autre qui “vendra le Parthénon pour le prix de la pierre”. Ce maçon s’en sort un petit peux mieux, qui, ayant participé aux travaux de démolition partielle d’une église, réutilisa certains éléments afin de s’en faire “une admirable maisonnette”.

Si le contexte du réemploi des matériaux, ayant trait à la protection d’édifices historiques, est ici très spécifique, il met néanmoins en évidence les difficultés – voire les contradictions – avec lesquelles il faut traiter. Comment encourager au réemploi mais de façon respectueuse, tant des éléments à réemployer que des édifices eux-mêmes ? Comment éviter la spéculation au réemploi et éviter qu’un bâtiment n’ayant pas vocation à être détruit le soit afin d’en réemployer certains éléments ? Comment éviter enfin que le réemploi ne serve de prétexte ou d’excuse à une démolition ?

Une version de “Guerre aux démolisseurs” est notamment disponible en français sur wikisource.

Déconstruction d’une cheminée d’usine

Usine et sa cheminée (image d’illustration) – Aubervilliers vers 1900, France (Public Domain)

Le journal hebdomadaire français « La Nature », revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, publiait en 1884 la chronique de la déconstruction d’une cheminée d’usine en vue du réemploi de ses matériaux.

« Démolir une cheminée d’usine dans des conditions telles que les matériaux en provenant puissent être employés de nouveau et cela malgré la présence de constructions environnantes rendant les abords inaccessibles, tel est le problème qu’ont résolu MM. R. M. et J. Bancroft (…) » (extrait)

La suite de la chronique, disponible en français sur le Conservatoire numérique des Arts et Métiers (Cnum), p.382, décrit le procédé technique mis au point pour pouvoir descendre les briques par l’intérieur de la cheminée tout en amortissant leur chute par un double système de couloir vertical, permettant une certaine compression de l’air, et de caisse à porte élastique. Se pose ici toute la question d’une déconstruction soigneuse afin de préserver tant les bâtiments à proximité que les matériaux de réemploi eux-mêmes. 

Re-use until the 20th century

Palacio de la Industria (Main building, Barcelona Universal Exposition) – 1888 (unknown author) – public domain

Si la pratique du réemploi des matériaux de construction semble aujourd’hui relativement marginale, elle était encore courante il y a un peu plus d’un siècle. En 1890, le «Diario de Cataluña » (extrait ci-dessous en espagnol) fait ainsi part d’une vente publique, par lots, de matériaux (tuiles, bois, fer…) issus de la déconstruction partielle du Palais de l’Industrie à Barcelone ainsi que de projets de réemploi pour certains de ces matériaux.

De la même manière, «Le Soir » (extrait ci-dessous) mentionne, en 1893, la vente publique de matériaux issus de la démolition du Château royal de Laeken en Belgique. À peu près à la même époque, d’autres journaux font d’ailleurs mention de magasins et de dépôts de vieux matériaux, de la manière dont les projets se finançaient en vendant des matériaux déconstruits ou dont des expropriations pouvaient mener à la vente de matériaux.

Ces pratiques de réemploi restent en vigueur jusqu’au début du XXe siècle. En 1903, en France, «L’Annuaire du Bâtiment, des Travaux Publics et des Arts Industriels » (extrait ci-dessous) donne une série de prix pouvant être appliqués à la dépose, au nettoyage, au transport et à la repose sur place ou non de différents matériaux.


Extraits:

Diario de Cataluña (16-01-1890), p. 2 : « En uno de los días de la semana próxima, se verificará una subasta pública para la adjudicación de los materiales procedentes del derribo de las naves laterales del Palacio de la Industria. Se han formado lotes de diversas clases, entre ellos de tejas, maderas y hierro. Parte de dichos materiales se aprovecharán para la verja y galerías del nuevo Palacio Real que se está construyendo en la Ciudadela. También se destinará otra parte a las puertas, cerca y otras dependencias del nuevo Matadero. »

Le Soir (10-12-1893), p. 3 : « Le receveur des domaines de Bruxelles-banlieue […] procédera […] au jardin du Château royal de Laeken, à la vente publique de vieux matériaux et objets provenant de la démolition du Château royal de Laeken, consistant en poutrelles de fer (11,280 kilos), vieux plomb (450 kilos), vinc [sic] zinc (400 kilos), 425 châssis, portes, un dynamo en bon état avec accessoires, etc., etc. »

Annuaire du Bâtiment des Travaux Publics et des Arts Industriels (1903), p. 2312 et suivantes et principalement p. 2322 et 2323 (les prix sont donnés en francs et centimes): « Prix et renseignements pouvant être appliqués aux appareils, articles, matériaux & produits ordinairement employés […] / Décarrelage de carreaux petits et grands avec son réemploi sur place (le mètre superficiel) 0 09 […] / Découverture (au mètre superficiel) : – en ardoise 0 24 – en zinc pour réemploi 0 27 – en tuiles plates 0 20 – en tuiles à emboîtement 0 10 […] / Dépavage de pavés posés sur mortier de chaux sans transport, mais avec rangement et décrottage, le mèt. Sup. 0 25 […] / Dépose de pierres avec soin pour être conservée [sic] […], le mètre cube 7 00 […] – en démolition 3 70 […] / Dépose et repose de persiennes […] / Dépose de verres, compris démasticage, (prix moyen) le mètre superficiel 1 05 / Dépose et repose de vasistas, la pièce 0 60 / Dépose et repose de châssis de toit […] / Dévoligeage (au mètre superficiel) – pour réemploi 0 30 – pour démolition 0 10 […] »

Opalis

Né en Belgique à l’initiative de Rotor, le site web Opalis dédié aux matériaux de réemploi, a par la suite étendu son champ d’action à toute une partie du nord de l’Europe, dans le cadre du projet européen FCRBE. Face au constat de la nécessité qu’il y avait à identifier les pratiques déjà existantes en la matière, la fonction première du site est d’être un annuaire regroupant un peu plus de 300 fournisseurs de matériaux de réemploi, sur un territoire comprenant la France, la Belgique ou encore les Pays-Bas (il existe également une version du site Opalis spécifique au Royaume-Uni). Les informations sur ces différents fournisseurs permettent de se faire une idée de la spécialité de chacun et du type de matériaux vendus, ainsi que des services éventuellement proposés, tels que déconstruction, transport, conception ou aide à la conception. Sont également mentionnées les opérations pouvant être effectuées sur les matériaux, comme le nettoyage, les réparations ou traitements divers, ou encore le redimensionnement.

Le site propose également une liste de projets intégrant des éléments de réemploi afin de donner à voir que de tels projets sont possibles. Il fournit enfin de la documentation et des informations concernant les différents types de matériaux : informations historiques et culturelles, variétés de produits par type de matériau, traitements généralement proposés, prix constatés, informations dans le but de prescrire ces matériaux, qui s’accompagnent parfois d’extraits de cahier des charges pour de telles prescriptions.

Voici d’autres liens d’intérêt allant dans le sens d’Opalis :

  • En Belgique, la plateforme des acteurs pour le réemploi des matériaux de construction à Bruxelles, bien qu’elle ne soit pas un annuaire à proprement parler, présente néanmoins des formations, des outils concernant le réemploi et quelques liens vers des plateformes d’échange de matériaux.
  • materiauxreemploi.com, en France, fournit des informations précieuses concernant le réemploi des matériaux, notamment au niveau légal, ainsi que des exemples de réalisations et un annuaire d’acteurs du réemploi. La plupart de ces derniers ne sont néanmoins pas des fournisseurs. Il peut s’agir d’institutions, de bureaux d’étude ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de constructeurs, d’architectes ou encore de plateformes web d’échange ou de vente de matériaux.
  • SalvoWEB, au Royaume-Uni, est le site web de l’entreprise Salvo Ltd, active depuis près de 30 ans dans le domaine du réemploi et des antiquités architecturales. Le site présente, outre un magasin en ligne et une plateforme de petites annonces, une liste étendue de fournisseurs de matériaux de réemploi. Salvo a également contribué à alimenter le site web Opalis.
  • Build Reuse, aux États-Unis, est une organisation à but non lucratif, anciennement dénommée BMRA (Building Materials Reuse Association) et active dans le domaine du réemploi depuis plus de 25 ans, à travers notamment un programme de formation continue et de certification. L’organisation développe en partenariat avec le American Wood Council et le Canadian Wood Council, un site web dédié au bois de réemploi et recyclé, qui présente une liste importante de fournisseurs dans ce domaine.

A notre connaissance, il n’existe pas de tel annuaire d’entreprises fournissant des matériaux de réemploi en Espagne ou au Pays-basque. Ces entreprises, même si elles ne semblent pas très nombreuses, existent pourtant bel et bien. Adokin a pu en identifier une série. Établir un annuaire complet des fournisseurs de matériaux de réemploi ainsi que leurs spécificités demanderait néanmoins un travail minutieux et de plus longue haleine. Mais il est à souhaiter qu’une telle initiative voie le jour sur notre territoire !

Grande Halle de Colombelles

L’atelier électrique et la tour de refroidissement d’une ancienne société métallurgique française sont les seuls éléments ayant été conservés sur un site appelé à être reconverti. L’opérateur à majorité publique, Normandie Aménagement, en charge de cette reconversion a fait appel aux architectes de l’atelier Construire et à ceux d’Encore Heureux pour leur expérience dans le réemploi de matériaux, afin de transformer l’atelier électrique en nouveau lieu de travail et de culture, la Grande Halle. Celle-ci, dont l’enveloppe porteuse en béton est conservée, se divise en deux nefs : l’une est pratiquement laissée en l’état et est un lieu d’accueil et de rassemblement, l’autre est divisée en trois niveaux en bois prolongés par des balcons et accueillant café-restaurant, ateliers et espaces de travail ou de répétition.

Une première expérimentation de réemploi a été menée à proximité du projet par le Collectif ETC qui a été chargé de la construction de la cité de chantier. Cet espace temporaire constitué de vieux conteneurs et de matériaux de réemploi (dont une charpente métallique de chapiteau évoquant la toiture de la Grande Halle voisine) est devenu, à l’image de la Maison du projet Morland, lieu d’accueil du public, de médiation et d’échange autour du projet, au travers notamment de la permanence architecturale. L’association le WIP en charge de la gestion et de l’animation de la future Grande Halle, et afin d’en préfigurer les usages, s’était installée dans la cité de chantier.

Pour le chantier lui-même, le marché du projet a été divisé en plusieurs lots avec variante obligatoire relative au réemploi. Un lot spécifique au réemploi – le lot 1 – a été également créé et confié au WIP. Sa mission était d’identifier les gisements à proximité du chantier, de déconstruire et collecter, d’éventuellement remettre en état et de fournir les matériaux aux entreprises chargées du chantier en les stockant sur site dans des conteneurs. Des « fiches matériaux » ont été rédigées afin d’informer sur leur origine et leurs caractéristiques techniques. Ces fiches ainsi qu’un travail étroit avec les bureaux d’étude et les assureurs ont permis de rendre possible l’utilisation de tels matériaux. Il est à noter qu’un réel accompagnement au réemploi pour les entreprises du chantier a été effectué, grâce entre autres à la permanence architecturale. Le WIP, qui envisage le développement à plus long terme d’une plateforme physique de réemploi, a évalué les bénéfices de telles pratiques en terme de création d’emploi local à presque 2 ETP et a également estimé une réduction de CO2 de 25t ainsi qu’une diminution des déchets produits de 19t !

Voici une liste de matériaux de réemploi utilisés sur le site du projet :

  • 27 radiateurs en fonte et 25 en acier (provenant d’un immeuble de bureaux et d’un garage);
  • 31 pièces de sanitaires (vasques, WC, urinoirs, provenant d’immeubles de bureaux et d’activités);
  • 21 poteaux de garde-corps (issus notamment de bois de charpente);
  • 1 fenêtre sur 21 intégrables au projet à la suite d’un vol (provenant d’un bâtiment d’activités);
  • 18 portes en bois massif dont 2 portes coupe-feu (provenant d’immeubles d’habitation);
  • 200 m² d’isolant (dalles en laine de roche intégrée en faux-plafond et provenant d’immeubles de bureaux et d’activités);
  • carrelage et faïence (provenant notamment de fin de stock);
  • bois de menuiserie (issu des palettes de transport des matériaux).

Source: MOOC – Le réemploi : matières à bâtir, organisé par l’ICEB ; le WIP, dont un poster est disponible ici sous licence Creative Commons – Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International – avec d’autres détails concernant notamment les traitements effectués en vue du réemploi. 

Maison du projet Morland

Maison du projet Morland, 2018, Paris – Emerige (Project owner), Encore Heureux (conception), Encore Heureux + MI2S ingénierie + Albert&Compagnie + Esselinck Ingénierie (Team) – photography by Cyrus Cornut (courtesy of Encore Heureux)

Dans le cadre de l’appel à projets urbains innovants « Réinventer Paris » lancé en 2014, l’ancienne préfecture de Paris boulevard Morland est en cours de réhabilitation. Le projet « Morland Mixité Capitale », porté par le promoteur Emerige et mené par une équipe dont fait partie notamment David Chipperfield, la transformera en lieu de vie aux usages multiples. La déconstruction de l’imposant site administratif met en évidence une mine de matériaux au potentiel de réemploi non négligeable. Une fois identifié ce potentiel important, les architectes d’Encore heureux, se sont vu confier la réalisation d’une construction temporaire, à proximité du chantier principal, la Maison du projet Morland, intégrant une partie de ce gisement. Le reste sera quant à lui utilisé sur le projet de réhabilitation lui-même, pour d’autres aménagements de chantier ou bien sur des chantiers ex-situ.

La réalisation d’Encore Heureux s’insère donc dans la logique plus large du réemploi d’un gisement de matériaux. Construite en bonne partie avec des éléments provenant de ce gisement, sa façade rideau sur ossature bois intègre par exemple 78 ouvrants de fenêtre ! La Maison du projet Morland est bien sûr un espace dédié au projet mais le Pavillon de l’Arsenal, Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris, y a également proposé des ateliers-spectacles pour enfants, autour de l’architecture et de la ville contemporaine, conçus par les architectes de PLUS+MIEUX création.

Voici une liste partielle des éléments du gisement, dont certains ont été réemployés dans le projet d’Encore Heureux :

  • 1500 fenêtres ;
  • 11000 plaques de faux-plafond en métal ;
  • 2200 radiateurs ;
  • dalles en pierre ;
  • cloisons ;
  • luminaires.

FCRBE

Le projet européen (Interreg North-West Europe) FCRBE (Facilitating the Circulation of Reclaimed Building Elements) a pour but d’augmenter de 50% d’ici à 2032 la quantité de matériaux de réemploi en circulation ! Principalement centré sur le nord de la France, la Belgique et le Royaume-Uni, le projet regroupe des acteurs institutionnels ou issus du monde de la construction et de la recherche, comme Salvo Ltd (UK), Bellastock (FR) ou Rotor (BE). Ces partenaires se sont donc associés afin que le réemploi soit pris en compte dans les différentes étapes d’un projet de construction et se servent pour ce faire de différents moyens :

  • le site web Opalis, regroupant une liste de fournisseurs de matériaux de réemploi, des informations sur ces matériaux ainsi que des exemples de réalisations ;
  • plusieurs guides permettant d’identifier le potentiel de réemploi des éléments de construction et facilitant leur intégration à de nouveaux projets.

Ces outils et d’autres sont notamment mis en application à travers divers projets pilotes.