La législation et les actions politiques actuelles relatives à l’économie circulaire mettent avant tout l’accent sur le recyclage, au détriment bien souvent du réemploi. Les recommandations de réduction des déchets faisant mention du réemploi s’accompagnent rarement, on l’a vu, de mesures concrètes. Il existe néanmoins une série de cas pratiques de mise en application de ces législations ou de ces décisions politiques et qui concernent le réemploi des matériaux de construction. Ceux-ci mettent en avant l’importance du rôle des pouvoirs publics et peuvent aller du simple accompagnement jusqu’à l’obligation en passant par la recommandation, en suivant la logique d’action permettre, encourager et obliger.
La série de cas pratiques décrits en fin d’article correspondent à des exemples incitatifs – visant à encourager – ou contraignants – visant à obliger – dans des pays et des territoires où une action préalable a déjà été menée afin de rendre possible le réemploi des matériaux. L’absence d’une telle action préalable sur le territoire espagnol ou au sein de la Communauté Autonome du Pays basque ne permet sans doute pas à l’heure actuelle la plupart des actions incitatives ou contraignantes de la part des pouvoirs publics. Il conviendrait dans un premier temps (et ce blog s’y emploie) de rendre visible et de faciliter les pratiques de réemploi avant d’envisager d’autres types d’actions. Néanmoins, un tour d’horizon de ce qui se fait déjà à l’étranger permet de se rendre compte de ce vers quoi nous pourrions nous diriger.
Suit ici une liste non exhaustive de ces cas pratiques, à commencer par des exemples incitatifs, pouvant aller de l’utilisation des marchés publics au soutien aux entreprises, en passant par des primes aux projets ou des incitatifs fiscaux :
- En Belgique, la région wallonne a initié une étude visant une priorisation des matériaux de réemploi dans les cahiers des charges, mais aussi une série de recommandations pour l’élaboration des marchés publics afin d’y favoriser le réemploi. Par ailleurs, la Région de Bruxelles-Capitale, dans le cadre de son Programme Régional en Économie Circulaire, fournit une feuille de route aux nombreuses mesures dont certaines ayant vocation à devenir progressivement contraignantes. Le fréquent fonctionnement par subsidiarité de la Région amène au soutien du secteur via des appels à projets (BeExemplary ou BeCircular), des primes ou avantages fiscaux comme un futur taux de 6% de TVA pour des éléments de réemploi. Par ailleurs, est prévu pour 2021, parmi toute une série d’autres mesures favorisant ou sensibilisant au réemploi, l’obligation d’inventaire des matériaux pré-déconstruction.
- À Seattle (U.S.A.), l’obtention d’un permis de déconstruction de bâtiments résidentiels est soumis, entre autre, à un réemploi des matériaux de construction d’un pourcentage minimal de 20% (hors asphalte, briques et bétons) ainsi qu’à la présentation d’un rapport identifiant les quantités d’éléments réemployés et recyclés. Ce processus permet d’engager une déconstruction avant qu’un nouveau permis de construire ait été délivré.
Voici maintenant une série d’exemples contraignants, liés à une obligation d’inventaire pré-démolition (aussi appelé diagnostic ressource) et/ou de déconstruction sélective, à une obligation de diriger certains éléments issus de la déconstruction vers des filières de réemploi, ou à une obligation d’intégrer certains éléments de réemploi dans de nouveaux projets :
- En France, l’article 51 de la récente Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prévoit l’obligation lors de certains « travaux de démolition ou réhabilitation significative de bâtiments », d’un « diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets », « en vue, en priorité, de leur réemploi ou, à défaut, de leur valorisation ». L’article 59 de cette même loi modifie le Code de l’environnement (Article L 228-4) et oblige à veiller au réemploi des matériaux lors de commandes publiques dans le domaine de la construction.
- À Portland (U.S.A.), imposition est faite d’une déconstruction permettant le réemploi des matériaux en lieu et place d’une simple démolition. Cette imposition concerne certains bâtiments dont des construction unifamiliales ayant une structure datant d’avant 1940 (voir ici).
- Dans le Cook County (U.S.A.), lors de l’obtention d’un permis de démolition de bâtiments résidentiels, imposition est faite de diriger un minimum de 5% des matériaux vers des filières de réemploi (voir ici).
Ce texte se base en partie sur un rapport produit par Rotor dans le cadre du projet de recherche “le bâti bruxellois source de nouveaux matériaux” (BBSM) et qui propose des pistes d’action et des jalons pour développer le réemploi. S’y retrouvent plusieurs des exemples cités ici ainsi qu’une foule d’autres informations.