Concrete jungle

Peerless Portland Cement Factory 1906 – Unknown photographer – Collection of Marty and Ron Chard (Public domain)

Il a été l’un des éléments clés du développement moderne. Mais s’il a permis la construction de quantités remarquables de logements, œuvres architecturales et infrastructures, le béton n’en a pas moins des aspects négatifs.

Substance la plus utilisée dans le monde après l’eau, le béton représente en effet un problème environnemental majeur. Conjointement à l’eau, au sable et à divers agrégats, le ciment Portland (composé à plus de 75% de clinker nécessitant de très hautes températures pour décomposer la matière première rocheuse qui le constitue) est utilisé dans plus de 98% des bétons produits actuellement. On considère le clinker comme responsable de jusqu’à 8% des émissions de CO2 dans le monde !

Impact important sur la biodiversité, forte consommation d’eau et de sable, pollution atmosphérique, quantités astronomiques de déchets, criminalité et corruption font également partie du côté obscur du béton.

La forte dépendance de nos sociétés au béton ne facilite pas les démarches alternatives, et à plus forte raison dans un monde où la croissance démographique, économique et urbanistique tend à une augmentation de la demande. Pourtant, les défis importants auxquels nous confronte l’utilisation du béton devraient nous encourager à modifier nos habitudes de construction, les matériaux ou les techniques privilégiées… Innover mais aussi préserver les bâtiments existants, d’avantage recycler et réemployer doit donc (re)devenir une priorité ! 

Voir à ce sujet, un projet intéressant mené par Bellastock avec l’appui du CSTB.


Ce texte est basé sur cet article : Concrete, the most destructive material on Earth (The Guardian)

Podcast à écouter ici : Cities (The Guardian)

D’avantage d’informations également dans ce rapport :  Chatham House (The Royal Institue for International Affairs) – Making Concrete Change

Paris Agreement and European Green Deal

Schéma de présentation du pacte vert – 11 December 2019 – European Commission (Source)

L’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015 lors de la COP21, prévoyait de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre afin de maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici à 2100. Au-delà de son aspect peu contraignant, que représente un tel accord pour le secteur de la construction et pour le réemploi en particulier ?

Les objectifs définis et les mesures concrètes mises en place par les différents signataires varient d’un pays à l’autre. Le Pacte Vert pour l’Europe présenté en décembre 2019 s’inscrit dans la lignée de l’Accord de Paris et prévoit une création d’emplois et la neutralité carbone en Europe pour 2050. Il inclut notamment une vague de rénovations et un plan d’action pour l’économie circulaire, ainsi que des mesures ciblant spécifiquement certains secteurs comme celui de la construction et l’idée d’un « passeport électronique » des produits fournissant entre autres des informations sur leur origine, leurs possibilités de réparation ou de démontage…

« La transition est l’occasion de promouvoir une activité économique durable et créatrice d’emplois. »

« (…) un nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire aidera à moderniser l’économie de l’UE et à tirer parti des possibilités offertes par l’économie circulaire au niveau européen et mondial. »

« La priorité sera accordée à la réduction et à la réutilisation des matériaux avant leur recyclage. »

Extraits de la communication de la Commission Européenne sur le Pacte Vert pour l’Europe.

#DEF – réemploi = reutilización

La France fait une distinction dans les textes de loi entre le réemploi et la réutilisation. Voici les définitions présentes dans l’article L541-1-1 du Code de l’environnement français :

Réemploi : « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ».

Réutilisation : « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ».

Voir également à ce sujet la publication de l’Agence pour la transition écologique ADEME.

Dans la catégorie faux amis, la réutilisation française n’est toutefois pas à confondre avec la reutilización espagnole qui correspond bien à la définition par l’Europe et par la France du réemploi !

#DEF – re-use / recycling

Voici quelques définitions extraites de la directive européenne relative à la gestion des déchets (Article 3 de la directive 2008/98/CE) :

Réemploi : « toute opération par laquelle des produits ou des composants qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus »

Recyclage : « toute opération de valorisation par laquelle les déchets sont retraités en produits, matières ou substances aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins »

On voit avec ces définitions que le réemploi n’implique pas de modification fondamentale de forme ou de fonction, contrairement au recyclage qui nécessite dans bien des cas un retour à la matière première !

Waste management hierarchy

Waste management hierarchy – based on this image

L’article 4 de la directive européenne nº 2008/98/CE relative aux déchets et datant du 19 novembre 2008 met en évidence une hiérarchie dans le traitement de ces déchets qui se traduit comme suit : a) prévention ; b) préparation en vue du réemploi ; c) recyclage ; d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique ; et e) élimination.

Ce principe a été transposé dans la législation de différents pays membres. Le droit français les intègre dans le Code de l’environnement – Article L541-1 (Voir également à ce sujet un article publié par l’Agence de la transition écologique ADEME). Les efforts importants effectués dans le domaine du recyclage doivent donc s’accompagner d’une prévention préalable pour diminuer le nombre des déchets mais aussi d’une prise en compte de l’importance du réemploi et de la réutilisation !   

EEH – RCD – DCD

Les déchets de construction et de démolition, DCD (souvent appelés déchets du BTP en France), représentent approximativement un tiers du total des déchets produits dans le monde. Ci-dessous, les données relatives à l’Europe, la France, la Belgique, l’Espagne et la Communauté Autonome du Pays-Basque.

Le Parlement Européen a émis la Directive 2008/98/EC qui préconise la valorisation d’un minimum de 70% des DCD en 2020. Si la plupart des pays semblent sur la bonne voie, le type de récupération s’apparente néanmoins majoritairement à une valorisation via du remblais.

Les DCD sont appelés RCD en espagnol (Residuos de Construcción y Demolición) et EEH en basque (Eraikuntza eta Eraispen Hondakinak).

Construction waste generation 2016

EUROPE – 923 670 000 t (36%) – 1,81 t/hab. – 89%

BELGIQUE – 19 573 150 t (31%) – 1,73 t/hab. – 95%

FRANCE – 224 355 946 t (69%) – 3,37 t/hab. – 71%

ESPAÑA – 35 827 923 t (28%) – 0,77 t/hab. – 79%

EUSKADI  – 1 261 661 t (21%) – 0,58 t/hab. – 65%

GEO – Construction waste (t) (% of total waste) – t/hab. – Recovery rate (%)

Données relatives à la communauté autonome du Pays basque – Euskadi íci

Embodied energy

L’énergie grise, produite lors de l’extraction, la transformation et la mise en oeuvre des matériaux de construction, correspond à 30% de l’énergie totale consommée par un bâtiment, les 70% restant correspondant à l’énergie opérationnelle, produite durant sa vie effective (cliquer ici pour d’avantage d’information à ce sujet). Les mesures prises actuellement se concentrent sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et par conséquent s’attaquent à une réduction de l’énergie opérationnelle. Il est temps désormais de s’intéresser d’avantage aux mesures permettant la diminution de l’énergie grise, surtout lorsque l’on tient compte de l’augmentation prévue de l’espace construit lors des prochaines décennies.

Le réemploi, l’innovation ainsi que l’analyse préalable permettant un choix de matériaux à faible impact environnemental, deviendront indispensables dans les prochaines années. Building Transparency vient de présenter un outil gratuit, EC3, permettant de déterminer l’impact de chaque matériau en se basant sur les informations fournies par les EPD (Environmental Product Declaration) des matériaux de construction.

«Sand Wars»

Au-delà du coût énergétique et écologique faramineux de l’extraction des matières premières servant à l’élaboration des matériaux de construction, l’extractivisme doit en outre faire face à un phénomène de raréfaction. Le documentaire de Denis Delestrac «Le sable, enquête sur une disparition» / «Sand Wars» datant de 2013 met l’accent sur l’inquiétante raréfaction de cette ressource naturelle fortement demandée par le secteur de la construction et s’attaquant à 75% des plages dans le monde.

Le film est à voir sur Vimeo.

Material Footprint

Domestic extraction of Spain in 2019, by material group – www.materialflows.net

Le site Materialflows donne une idée de la consommation de matières premières (RMC – Raw Material Consumption) par secteur d’activité et par pays. En 2013, le secteur de la construction en Espagne représentait la part la plus importante, soit 24%, de la consommation de matières premières du pays. En France, ce secteur comptait pour 15% et pour 18% en Belgique.

A titre d’exemple, l’extraction de granulats ou agrégats (sable, gravillon, gravier – sand gravel and crushed rock) sur la période entre 1970 et 2017, augmente de 409% dans le monde pour arriver à 28 562 274 kt extraites. L’Europe prenait à son compte en 2017 11% de ces quantités.

Autre donnée issue de ce site, en 2015, environ 84,4 Gt de matières premières étaient extraites dans le monde mais seulement 8,4 Gt, soit environ 10%, de matériaux recyclés réintégraient le marché !

ACV

L’analyse du cycle de vie (ACV) des matériaux de construction et des bâtiments pour en mesurer l’impact environnemental se fait selon différentes étapes que l’on pourrait distinguer comme suit : l’extraction des matières premières, la fabrication des matériaux de construction, leur vente et distribution, la construction proprement dite, l’occupation du bâtiment et sa durée de vie effective, et la démolition/déconstruction en fin de vie. Sur chacun de ces points, un travail spécifique pourrait être mené afin d’en diminuer l’impact environnemental. Le réemploi des matériaux est l’un d’eux !

Si l’ACV permet de déterminer l’empreinte écologique des matériaux de construction et des bâtiments, le calcul de l’empreinte carbone se concentre quant à lui uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique et exprimées en équivalents CO2.


Voir ici une publication sur le sujet (ADEME, Agence de la Transition Écologique en France)